ENFIN !
Publié le 4 Décembre 2021
Jacques avait, enfin, répondu à des questions qu'il n'avait jamais osé se poser. Son exploration du monde profane l'avait déconcerté à un point que ça avait failli lui faire oublier d'où il venait et surtout où sa vocation devait l'emmener. Il allait, vite, rejoindre ses chaînes d'acier enrobées de velours, là où il se sentait en sécurité et à l'abri d'un monde qui ne faisait rien pour ressembler à l’œuvre de Dieu. Vite ! Ma valise en carton bouilli et mes quatre pénates. Je laisserai le beau costume qui a fait illusion en certaine circonstance, dans un coin de la librairie que François m'a laissée en héritage. Si les rats n'en font pas leurs choux gras, je dirai à Marc d'en faire profiter un nécessiteux.
Le voilà. Il arrive à propos.
– Bonjour Marc tu arrives à temps, j'étais en train de faire mes maigres bagages pour retourner, bien vite, là ou mon avenir a décidé de m'attendre. Je ne veux pas le faire patienter plus longtemps.
– Voyons, Jacques, l'éternité a tout son temps, elle n'est pas à cinq minutes près. Quant à ton avenir… il te servira, peut-être, ou bien il décidera, peut-être, de t'oublier dans une petite paroisse perchée en haut d'une éminence montagneuse où il neige neuf mois par an. J'ai pourtant essayé de te donner le mode d'emploi pour profiter de la liberté que t'offre la civilisation à laquelle tu veux échapper. Je t'ai tendu la main et tu as failli me la mordre.
– J'ai failli mordre ta main, car je n'étais pas sûr qu'elle avait ses cinq doigts. J'ai voulu goûter à toutes les libertés que tu m'as proposées et j'ai presque perdu mon âme au coin des rues. En sortant d'une grotte obscure où un ami se terre comme un ermite qui préfère la compagnie des rats à celle des humains, je me heurte à une espèce de succube chevauchant un véhicule rose sorti d'on ne sait où et qui me prédit que les réponses à mes questions me feront mal. Crois-moi ! Je préfère mon enfer à ton paradis, je sais au moins, me comporter dans mon environnement et si je dois faire un tour au purgatoire le moment venu, je baisserai la tête et j'implorerai le Seigneur d'être clément envers un pauvre pécheur, et j'en profiterai pour prier pour toi. Tu vois, je ne suis pas rancunier.
– Ne me dis pas que tu crois au paradis, si mes souvenirs sont bons, tu as toujours été plus près de Darwin que du dalaï-lama.
– Regarde Marc, lève les yeux. Le ciel est bleu et malgré tout, il y a des nuages qui approchent. Il y a des nuages blancs, gris ou noirs. Si ça se trouve les blancs sont le paradis, les gris, le purgatoire et les noirs… pourraient bien accueillir les damnés. Oui, je sais on pourrait dire que je cache mes convictions derrière une parabole, mais c'est mon credo et j'y tiens !
– D'accord Jacques, tu as raison, tu n'es pas fait pour vivre notre liberté qui n'est, en définitive, qu'une prison, mais vois-tu c'est notre prison. Les anciens nous ont légué un mode de vie et nous en avons fait ce que nous en avons fait, c'est à dire pas grand-chose de bien. De nos jours nous subissons les conséquences de nos bêtises. Il faut dire que l’Église ne nous a pas aidés. Si l'hypocrisie n'avait pas habillé la foi, nous aurions pu être meilleurs. Mais voilà...
– Finalement, Marc, je t'avais mal jugé. Tu es meilleur que ce que je croyais. Tu es même récupérable. Je me tiens à ta disposition si tu veux venir à confesse. N'attends pas que l’Église me confie un évêché. Essaie de venir avant... Il est temps, je risque de rater mon train.
Je te dis au revoir ou adieu ? C'est à toi de voir, mon ami.