CHEVAL FOU… OU PAS !!!

Publié le 23 Décembre 2021

CHEVAL FOU… OU PAS !!!

QUATRIÈME DE COUVERTURE

Jeune séminariste un peu naïf sur les choses de la vie, Jacques se trouve confronté a un héritage qui va le perturber. Un vieil homme lui lègue une librairie et l'anarchie qui va avec.

Désemparé, il va se rapprocher d'un ami d'enfance pour lui demander conseil. Marc n'est pas étouffé par la foi et il lui conseille de fuir les chaînes de la religion pour s'ébattre, tel un cheval fou, dans l'avenir qui s'offre à lui.

Marc est-il vraiment un ami ? Que valent ses conseils ? Que va choisir Jacques ?

 

RÉSUMÉ

Jeune séminariste, Jacques se rend aux obsèques d'un vieil homme qui a beaucoup compté pour lui dans son enfance. Celui-ci, plus libertaire que libraire, lui a légué son magasin, le poids des mots, la magie des textes, mais surtout ses idées bien ancrées sur la liberté.

Jacques se trouve fortement perturbé par cette situation, trop nouvelle pour lui, et qui l'oblige à envisager une forme de vie qu'il n'a pas l'intention d'adopter.

Totalement désorienté, il décide de se rapprocher d'un ancien camarade de classe pour lui demander conseil. Son ami, Marc, établi comme brocanteur, habite dans un local situé au bout d'une ruelle sans nom, perdue dans une banlieue triste à mourir.

Hélas, Marc, qu'il n'avait pas revu depuis des années, ne semble pas prendre en considération les soucis de celui qui avait été son congénère et se contente de conseils évasifs. Il lui suggère, néanmoins, de profiter de l'occasion pour s'évader des contraintes de la religion, et de galoper comme un cheval fou vers une liberté inespérée.

Quittant la brocante, encore plus indécis que quand il y était entré, Jacques, seul dans cet environnement où la nuit commence à faire valoir ses droits, se trouve confronté à un personnage étrange. Une femme, à bord d'une deux chevaux rose, lui fait des propositions à faire rougir un escadron de hussards et, telle une devineresse échappée d'un sabbat de sorcières, cette créature le met en garde contre lui-même et lui prédit que toutes les questions qu'il se pose vont lui emmener des réponses qui vont lui faire très mal.

Finalement pris de remord Marc se rend à l'hôtel où loge Jacques. Celui-ci faisait ses bagages. Ils commandèrent un café et après mûres réflexions, ils tombèrent d'accord sur le fait que la liberté des uns n'était pas forcément bonne pour les autres.

Jacques va reprendre le chemin qu'il n'aurait jamais dû quitter, et retrouver une forme de liberté qui s'appelle sérénité. Il ne sera jamais un cheval fou lâché dans l'inconnu. Il va se réfugier dans un univers où l'encens et la lueur des cierges lui feront miroiter le monde auquel il croit et où il se sent bien.

 

CHEVAL FOU… OU PAS !!!

 

Mot d’un jour, livre de toujours

Je ne voulais pas venir. J'ai longtemps hésité, mais j'ai cédé au besoin de le voir une dernière fois. François dormait de son dernier sommeil dans son cercueil qui trônait, conformément à ses dernières volontés, au milieu de ce magasin qui, pendant de longues années, avait été son havre de paix.

Comme il le disait souvent, sa librairie était un immense océan, à la foi calme et turbulent et tous les ouvrages qui habillaient ses étagères représentaient des milliers d'îles où il faisait bon de se reposer.

Rappelle-toi, me disait-il, le secret de la liberté c'est ma librairie. Chaque page de chaque livre est une porte ouverte à l'évasion. Chaque mot que tu liras est magique et entraînera ton imagination sur un tapis volant. Ne te complique jamais la vie. Si on te donne de l'air, respire, si on t'accorde de l'eau, boit, si on te fait l'aumône d'un bout de pain sec, mange et si tes yeux sont submergés par un torrent de larmes..… nage !

Il ne fermait jamais sa librairie. Si on lui en faisait la remarque, ses yeux pétillaient et il nous répondait, je veux avoir la liberté de donner à celui qui manifeste la liberté de prendre. Comment refuser le savoir à celui qui veut s'instruire?

Tous ces souvenirs me ramenèrent à lui. Dans son attitude figée, revêtu du seul costume qu'il ait jamais eu, il me faisait penser à un seigneur qui impose le silence et la sérénité dans son domaine.

La famille avait déjà déserté le mausolée. Peu importe, ce calme m'allait très bien. Une odeur d'encens mêlée à la poussière et au vieux papier se mêlait à l'air que je respirais et j'avais l'impression de communier avec lui.

Dire que pendant longtemps je ne l'ai pas aimé. Il voulait m'imposer à tout prix le poids d'une liberté que je ne voulais pas. J'étais jeune, et donc pas prêt à assumer cette responsabilité envers moi même. Têtu comme un mulet qui marche en biais, il insistait et pour m'aider, il ouvrait ses bras, et tournant sur lui même dans une valse de sa composition, il me disait : prends, sers-toi aide ton âme à s'évader. Va au bout du monde et ne reviens pas. Je te l'ai déjà dit, ces livres sont magiques...

Eh oui !! magiques, tapis volants, et maintenant il est là, plus libre qu'il n'a jamais été, et moi, enfin.… je pleure.

 

Le choix… ou pas...

Je n'avais pas revu mon ami d'enfance depuis longtemps, mais la mort de François me posait trop de questions. Il fallait que je confie mon désarroi à quelqu'un qui passait plus de temps à réfléchir qu'à se précipiter pour dire des bêtises.

Marc s'était réfugié dans une espèce de placard fourre-tout, qu'il avait baptisé "sa caverne". Son placard donnait sur la rue, avec une vitrine pas vraiment sale mais certainement pas propre, à travers laquelle il était très difficile de se faire une idée de ce qui nous attendait à l'intérieur.

Il s'agissait, en fait, d'un magasin d'antiquités où il passait son temps à chercher des objets qui n'étaient venus jusqu'à lui que dans ses rêves. J'ouvrai la porte qui grinçait un peu, sans doute coincée par une goutte d'huile, ce qui fit tinter une petite cloche au son cristallin.

Après un court instant, Marc fit son apparition.

- Bonjours Jacques. Je ne te demanderai pas le motif de ta visite car, à ta mine de papier fripé, je devine de quoi il s'agit. Tu sais, j'ai su pour François, mais je n'ai pas osé aller le voir une dernière fois car l'avant dernière était vraiment trop ancienne et elle s'est perdue dans les méandres de la nuit des temps.

- Ne t'excuse pas Marc, je suis venu te voir car, comme tu t'en doutes, j'ai hérité de la librairie et je ne suis pas convaincu d'y avoir droit. Trop de souvenirs se télescopent dans ma tête et j'ai du mal à trier le bon du moins bon. Tu te souviens quand nous jouions à cache cache dans les rayons ? Nous renversions souvent des piles de livres qui encombraient les allées. Ces livres que François avait mit de côté pour les donner à qui voulait élever son âme. Des nuages de poussière prenaient leur envol et nous aveuglaient. Il faut dire que son magasin était au moins autant bordélique que le tien.

- Le rangement de mon gourbi est représentatif de l'importance que je donne au mot " liberté ". Chaque objet qui entre ici choisit sa place. S'il le veut, il peut se déplacer la nuit et aller trôner dans un autre endroit du magasin où il se sentira mieux. Comme tu vois, j'ai fait miens les conseils de François, quand il nous mettait en garde et qu'il nous apprenait à respecter les livres si nous ne voulions pas que les mots se vengent. Il disait que Dieu, avant toute chose, avait créé le verbe et qu'il ne fallait jamais l'oublier. Faute de quoi notre liberté serait en danger. De toute façon il va falloir que tu fasses un choix et ce choix n'appartiens qu'à toi. Tu as la liberté de choisir. Je connais beaucoup de personnes qui aimeraient bénéficier de la liberté de dire oui ou non.

- Je ne sais pas. Cette liberté de choisir me tord les boyaux et je nage dans l'inconnu. Marc ! Donne-moi une bonne réponse, je t'en prie.

- Une bonne réponse ? Mais une réponse à quoi ?

- Je ne sais pas. Donne-moi une bonne réponse et si elle me convient je trouverais la question qui va avec. Les mots de François me font peur, ils me pourchassent et certains me rattrapent malgré les efforts que je fais pour m'enfuir. Tu parles sans arrêt de liberté, mais ça n'est jamais qu'un mot abstrait qui ne parle qu'à ceux qui y croient. La liberté on devrait l'avoir au menu, en plat du jour. En salade fraîche et joyeuse ou à l'étouffée, boire un bon coup par dessus pour la noyer quand elle nous contrarie et la faire renaître le lendemain, en espérant un nouveau plat qui ne soit pas trop aigre.

- Tu veux beaucoup de choses Jacques. En réalité tu fuis ton avenir et tu cherches refuge dans ton passé qui, lui, ne veut plus de toi. Tu peux rester entre les deux et végéter dans un espace de médiocrité, mais ça ne regarde que toi. Que tu le veuilles ou non c'est encore une histoire de choix. Je respecte tes idées Jacques, mais si tu n'y vois pas d'inconvénients, je retourne dans mon trou où ma liberté, à moi, m'attend. Elle est si fragile que si je m'absente trop longtemps elle risque de se faner et... moi avec.

 

Interrogations

Jacques ne savait plus quoi penser. Il était perdu, noyé dans ses indécisions. Le poids de la culpabilité qu'il s'imposait et qui n'avait pas lieu d'être, allait l'écraser sans qu'il ne s'en rende compte. La visite qu'il avait rendu à Marc dans son trou, ne lui avait apporté aucun réconfort, et ses conseils pour atténuer l'angoisse qui le rongeait n'avaient produit aucun effet.

Il ne savait même pas où il se trouvait. Il marchait sans savoir où ses pas le conduisaient. Cette rue, qui serpentait entre des immeubles aux façades décrépies, et où s'entassaient des carcasses de motos et de scooters dépiautés par des marchands de pièces détachées, n'inspirait vraiment pas confiance.

Une pluie fine commençait à tomber et les lampadaires de ce quartier perdu essayaient de dispenser une lumière vaguement jaunâtre qui n'arrivait pas à combattre l'obscurité qui s'emparait, tout doucement, de la vie des hommes. Jacques se félicita d'avoir revêtu un imperméable par dessus son beau costume et de s'être chapeauté d'un "bibi" informe trouvé au fond de sa valise.

Tout à ses réflexions, il ne s'était pas rendu compte qu'une voiture roulait au pas, à coté de lui. Intrigué, il ralentit quand, de la voiture, une voix l'interpella.

– Alors beau gosse on est tout seul sous la pluie qui ne va pas tarder à se transformer en déluge ? Alors que ma belle deux chevaux rose est disponible et bien plus confortable que ce que l'on pourrait penser de prime abord ?

Jacques regarda avec plus d'attention cette femme à la voix éraillée de quelqu'un qui fume trois paquets de cigarettes par jour.

– Je vous remercie madame, mais votre magnifique voiture, que l'on pourrait classer en catégorie "collector " ne m'attire pas.

– Tu as tord mon beau. Une si belle opportunité ne se présente pas tous les jours. D'autant plus qu'il fait tellement chaud que j'ai préféré ne pas encombrer mon corps de vêtements superflus. Si ça te choque je peux te montrer mes fesses sur photo, comme quand on consulte un catalogue… Je t'ai remarqué car tu n'es pas à ta place ici. Cette rue n'est pas habitable pour ceux qui se posent trop de questions et toi ce sont les réponses qui vont te faire du mal. Si j'avais un parapluie je te l'aurais donné, mais pour les problèmes qui encombrent ta tête il ne te reste que la liberté de la pensée et encore méfie-toi d'elle, car elle est très difficile à apprivoiser. Allez ! Ciao et porte-toi bien.

La voiture et la paire de fesses virtuelle s’éloignèrent et se perdirent dans une nuit à la fois perfide et accueillante. La pluie qui commençait à tomber dru, faisait remonter du sol une odeur de terre labourée qui donnait l'impression d'être à la campagne, loin de cette ville sans âme où l'on à vite fait de se perdre.

Quelle journée… Jacques se demandait ce qui allait encore lui arriver. François dans son cercueil, Marc dans son trou à rats et moi accroché par une apparition, sans nom, dans un coin de ville proche d'un quelconque cercle de l'enfer de Dante.

Dire que j'ai passé la journée avec le mot liberté à la bouche et que je suis passé par une bibliothèque, où les rats ont toute liberté pour grignoter des ouvrages perdus dans des rayons inaccessibles, par le magasin de Marc où tous les objets ont la liberté de se balader à leur guise, et où j'ai été abordé par une femme nue dont le langage ne laisse aucun doute quand à ses intentions.

Mais, bon Dieu, si tu existes, dis-moi. Que t'ai-je fait pour que tu m'accables à ce point ? Ce matin j'ai mis mon plus beau costume bleu… Oui je sais !! Le seul que je possède. Mais quand même... une chemise blanche, propre, repassée et qui sent la lavande, une cravate noire en soie.. Excuse du peu !! J'ai été jusqu'à cirer mes chaussures, et ça ce n'est pas rien. J'ai respecté un mort, j'ai repris contact avec un camarade d'enfance que je croyais être un ami et maintenant ? Que vais-je faire ?

Liberté, liberté chérie, je crois que tu es un clou et moi le marteau qui tape sur ta tête. Je constate avec effroi, que tu t'enfonces à chaque coup dans un univers où je vais me perdre sans espoir de retour....

– Tu veux me dessiner un mouton ?

 

Marc avait du remord. Jacques était venu crier au secours, pensant recevoir un semblant de réconfort et lui l'avait gentiment éconduit en prétextant la sauvegarde de sa liberté. Si j'avais été un tant soit peu un garçon bien, pensa-t-il, je me serais penché sur ses problèmes, d'autant plus que j'avais été surpris par son comportement. Ses yeux étaient comme deux vitres sales. Son regard fuyait le mien sans vouloir s'arrêter nulle part. Sa face, pleine de tics nerveux, avouait un état de perdition et de déroute qui ne laissait aucun doute sur son état mental du moment.

La culpabilité qui m'accable fait que je n'ose plus me regarder dans un miroir car il ne résisterait pas à mon reflet et je n'ai vraiment pas besoin de sept ans de malheur. Je crois que je vais plutôt lui écrire et essayer de trouver les mots que devrait prononcer un vieil ami à un camarade dans la détresse.

Au milieu d'un fouillis innommable il dégota une feuille de papier, presque propre, et un bout de crayon publicitaire qui vantait un produit aussi ancien que les objets qui peuplent son antre.

 

Mon cher Jacques

Ne m'en veux pas, j'ai honte de la façon dont je t'ai reçu. Mais que veux-tu ! Lorsque la cloche du magasin a tinté je faisais la sieste et j'ai eu l'impression d'être réveillé par le carillon d'une cathédrale. Qui plus est, si mes souvenirs sont exacts, tes années de séminaire te dirigeaient plutôt vers la soutane que vers un complet veston. Mais bon ! J'imagine que tu as dû troquer ta foi contre une nouvelle liberté. D'ailleurs j'ai compris, en t'écoutant, que celle-ci, tout en étant ta priorité, t'obsédait au plus haut point car tu n'avais pas appris à t'en servir. Fait bien attention, la liberté c'est comme une roue que tu pousses devant toi. Si tu la pousses trop fort elle va prendre de la vitesse et tu ne vas pas pouvoir la rattraper. Par contre si tu peines à la pousser elle te fera obstacle et freinera ta progression. Je sais que je ne suis pas l'exemple le plus pertinent pour te donner ce conseil, mais comme on dit "faites ce que je dis et ne faites pas ce que je fais". Ce matin, avant que tu viennes, je me suis regardé dans un miroir, curieux de constater les effets du temps, et j'y ai vu un vieil arbre fatigué d'avoir supporté un été trop chaud, et redoutant de perdre ses feuilles à l'arrivée d'un automne manquant de clémence. Je suis déjà vieux et toi tu es encore jeune alors que nous avons le même âge. Nos horloges de vie ne doivent pas tourner à la même vitesse.

Mais je sais que toi tu es fort. Tu es armé pour faire face à tes tourments. Tu as choisi tes armes. Tu as laissé le bénitier de côté pour te battre avec le verbe, comme Dieu. Seulement, en ce moment Dieu ne fait que murmurer et le diable en profite pour hausser le ton, et le problème c'est que les hommes sont de plus en plus sourds et n'entendent que les voix qui portent.

Chose essentielle ! N'oublie jamais que la liberté est un leurre inventé par les hommes pour donner crédit à leurs envies. Ils ont rejoint Moïse et se sont octroyés le bénéfice de ce que pouvait leur apporter quelques divergences de la loi gravée dans le marbre de l'histoire. Les textes de ces lois vont et viennent suivant l'humeur du moment et certains disparaissent sans que l'on sache pourquoi. Ils sont vite remplacés par d'autres qui conviennent mieux à la situation que l'on a mise en place pour satisfaire aux puissants qui nous tiennent en laisse, et le mot liberté n'a vraiment plus aucun sens.

Ne néglige pas les mots, car si tu les oublies d'autres vont s'en emparer et créer des phrases orphelines qui seront laissées à l'abandon. Retourne vite à la librairie que François, dans un dernier élan de bon sens, t'as confiée. Tu y trouveras des mots qui chevauchent des mots et des phrases qui essaient d'échapper aux rats qui pullulent dans la réserve. Attrapes-en quelques-unes au passage et je suis sûr que tu finiras par y trouver les réponses que tu cherches et qui t’amèneront les bonnes questions qui vont avec.

Porte-toi bien

ton ami

 

Jacques

Jacques était songeur. La lettre que Marc lui avait fait parvenir ne lui apportait aucune solution. Tout au plus, une sorte de morale et un rappel à la réalité pour lui faire comprendre qu'il n'avait encore rien compris à la vie et qu'il serait temps pour lui, d'avoir les pieds sur terre. Cela ne le rassurait vraiment pas, car Marc était loin d'être un nigaud, et tout ce qu'il disait méritait d'être pris au sérieux.

Que faire ? Ses souvenirs du petit séminaire étaient encore vivaces. Les déplacements en rang, deux par deux, en silence, les yeux rivés au sol et l'esprit obligatoirement occupé par l'amour et le respect que l'on devait à Dieu et à tous ses saints, était la règle absolue. Heureusement, les récréations dans la cour du patronage, leur permettaient d'échapper aux chaînes du savoir et courir après un ballon leur procurait une sorte d'ivresse et l'illusion d'un sentiment de liberté.

Liberté vite cadenassée par le sifflet strident du père Pascal qui les rappelait à leur devoir. Il fallait vite rejoindre les rangs, retrouver leurs contraintes qui avaient fait semblant de les abandonner, baisser la tête et rejoindre en silence une salle de classe qui sentait la craie, la poussière et l'odeur des vieux livres que des centaines d'enfants avec, plus ou moins, de vocation avaient feuilletés de leurs doigts sales aux ongles noirs. Jacques se rappelait certains de ses camarades avec qui il avait créé une certaine complicité. Il y avait Paul, un grand maigre, qui n'avait pas sa langue dans la poche et qui prétendait tout connaître, on l'avait surnommé "l'asperge". Raymond était plutôt un petit gros, baptisé "bouboule". Il n'avait pas son pareil pour dénicher quelque chose à manger. Son flair pouvait donner des complexes à n'importe quel limier. André, par contre c'était le sérieux de l'équipe. Très légèrement fayot il adorait attirer l'attention sur lui. Pour plaire au père Pascal, il s'accusait des pires péchés que l'on pouvait imaginer. Sa confession durait une éternité, ce qui lui valait des heures de pénitence qu'il subissait avec humilité. Mais ça le remplissait de joie car le père Pascal le citait toujours en exemple.

On leur apprenait la liberté dans la foi. Seulement dans la foi. Rien ne permettait de déroger à ce principe. Il fallait croire point !!!! C'était toute l'éducation qui avait bercé la jeunesse de Jacques, avec pour ambition, la tonsure, la soutane, la barrette et qui sait… la pourpre. Après tout, d'autres y sont arrivés. L'aventure peut même aller plus loin. Pour peu que l'on plaise à ceux qui donnent les responsabilités les plus importantes et que l'on sache se faire apprécier… Prince de l'église ! Chaque fois que je regarde les films de Don Camillo je me dis que "l'espoir fait vivre".

Avec ça, les ors du Vatican, les gardes suisses, et tous les "Monsignori" qui encombrent les couloirs pesaient lourds, comparés à la librairie de François, avec ses étagères croulantes et ses rats aussi gros que des chats, tellement ils étaient bien nourris par le savoir qu'ils grignotaient avec une constance admirable. En définitive, la liberté que m'offrait François me faisait peur. Marc avait raison je ne connaissais pas le mode d'emploi. Toutes les voitures roses ainsi que les plus belles fesses du monde, avec ou sans catalogue bien documenté, ne me créaient que des réponses à des questions que je ne me poserais pas… pour l'instant.

Ma décision est prise. Je vais vite rejoindre mes contraintes et mes chaînes. Je vais essayer de négocier avec ce dieu qui, je le sais, me surveille du coin de l’œil, et j'irai à confesse avec conviction.

Fasse le ciel que je ne change pas d'avis.

 

Enfin !

Jacques avait, enfin, répondu à des questions qu'il n'avait jamais osé se poser. Son exploration du monde profane l'avait déconcerté à un point que ça avait failli lui faire oublier d'où il venait et surtout où sa vocation devait l'emmener. Il allait, vite, rejoindre ses chaînes d'acier enrobées de velours, là où il se sentait en sécurité et à l'abri d'un monde qui ne faisait rien pour ressembler à l’œuvre de Dieu. Vite ! Ma valise en carton bouilli et mes quatre pénates. Je laisserai le beau costume qui a fait illusion en certaine circonstance, dans un coin de la librairie que François m'a laissée en héritage. Si les rats n'en font pas leurs choux gras, je dirai à Marc d'en faire profiter un nécessiteux.

Le voilà. Il arrive à propos.

– Bonjour Marc tu arrives à temps, j'étais en train de faire mes maigres bagages pour retourner, bien vite, là ou mon avenir a décidé de m'attendre. Je ne veux pas le faire patienter plus longtemps.

– Voyons, Jacques, l'éternité a tout son temps, elle n'est pas à cinq minutes près. Quant à ton avenir… il te servira, peut-être, ou bien il décidera, peut-être, de t'oublier dans une petite paroisse perchée en haut d'une éminence montagneuse où il neige neuf mois par an. J'ai pourtant essayé de te donner le mode d'emploi pour profiter de la liberté que t'offre la civilisation à laquelle tu veux échapper. Je t'ai tendu la main et tu as failli me la mordre.

– J'ai failli mordre ta main, car je n'étais pas sûr qu'elle avait ses cinq doigts. J'ai voulu goûter à toutes les libertés que tu m'as proposées et j'ai presque perdu mon âme au coin des rues. En sortant d'une grotte obscure où un ami se terre comme un ermite qui préfère la compagnie des rats à celle des humains, je me heurte à une espèce de succube chevauchant un véhicule rose sorti d'on ne sait où et qui me prédit que les réponses à mes questions me feront mal. Crois-moi ! Je préfère mon enfer à ton paradis, je sais au moins, me comporter dans mon environnement et si je dois faire un tour au purgatoire le moment venu, je baisserai la tête et j'implorerai le Seigneur d'être clément envers un pauvre pécheur, et j'en profiterai pour prier pour toi. Tu vois, je ne suis pas rancunier.

– Ne me dis pas que tu crois au paradis, si mes souvenirs sont bons, tu as toujours été plus près de Darwin que du dalaï-lama.

– Regarde Marc, lève les yeux. Le ciel est bleu et malgré tout, il y a des nuages qui approchent. Il y a des nuages blancs, gris ou noirs. Si ça se trouve les blancs sont le paradis, les gris, le purgatoire et les noirs… pourraient bien accueillir les damnés. Oui, je sais on pourrait dire que je cache mes convictions derrière une parabole, mais c'est mon credo et j'y tiens !

– D'accord Jacques, tu as raison, tu n'es pas fait pour vivre notre liberté qui n'est, en définitive, qu'une prison, mais vois-tu c'est notre prison. Les anciens nous ont légué un mode de vie et nous en avons fait ce que nous en avons fait, c'est à dire pas grand-chose de bien. De nos jours nous subissons les conséquences de nos bêtises. Il faut dire que l’Église ne nous a pas aidés. Si l'hypocrisie n'avait pas habillé la foi, nous aurions pu être meilleurs. Mais voilà...

– Finalement, Marc, je t'avais mal jugé. Tu es meilleur que ce que je croyais. Tu es même récupérable. Je me tiens à ta disposition si tu veux venir à confesse. N'attends pas que l’Église me confie un évêché. Essaie de venir avant... Il est temps, je risque de rater mon train.

Je te dis au revoir ou adieu ? C'est à toi de voir, mon ami.

 

Fernand ARRIGO

 

~~~~~~~~~~~~~~~~

LIBERTÉ !

 

Liberté! Que représente ce mot ? Beaucoup et peu à la fois. Il peut être interprété de mille et une façons. On peut le placer dans une phrase, sans qu'il en soit pour autant, le centre du sujet, il peut représenter une grande idée qui ne germera jamais, il peut peupler les rêves de populations asservies à d'autres, ou bien n'être qu'un fantasme inaccessible au commun des mortels.

Ce mot devrait être le symbole d'un état contraire à la soumission. Malheureusement, les hommes ont décidé, depuis la nuit des temps, que seule la force et la domination procuraient, à certains, un sentiment qui faisait d'eux des hommes libres par rapport à ceux qu'ils avaient contraints.

Lassés de ce état de fait, certains peuples se sont sentis obligés de créer la démocratie, ce qui les a autorisé à générer quelques bains de sang, pour purger le pays et à se débarrasser des parasites dont les agissements étaient contraire aux bonnes mœurs. Ils en ont profité pour inclure " l'égalité " dans leur espérance d'un mode de vie meilleur. Un bon mot qui se plaît à rimer avec liberté, ce qui somme toute , n'apporte rien de plus, mais il faut le reconnaître, rien de moins.

La religion à vite compris qu'il était temps d'imposer la liberté de croire et qu'elle seule pouvait apporter la sérénité dans le cœur des hommes. Naturellement, un effort commun de tous était indispensable pour bâtir le temple qui permettrait de rendre grâce au Seigneur, créateur de toute chose, au nom de la fraternité. Un autre mot qui rime avec liberté.

En fait, la liberté devrait être un mode de vie qui permette , à tout un chacun, de vivre dans le bonheur pour la durée du court passage qui est le nôtre sur cette terre.

Hélas, jamais mot ne fut plus galvaudé que celui-ci. Les siècles passés en sont l'exemple et ceux à venir ne sont pas prêts de me contredire.

En conclusion, je pense que la liberté est une page blanche. On y trouve ce que l'on veut bien y écrire.

Malheureusement, au fur et à mesure que le temps passe, on s'aperçoit que beaucoup ne savent pas lire.

 

Fernand ARRIGO

 

Rédigé par Fernand

Publié dans #Liberté

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article