LE CHOIX C'EST LA LIBERTÉ

Publié le 6 Novembre 2021

 

Ophélie réfléchissait intensément. Elle avait été rattrapée dans sa fuite par un groupe de cinq personnes, trois hommes et deux jeunes gens un peu plus âgés qu’elle. Elle les connaissait, ces garçons. Ils s’étaient croisés à plusieurs reprises dans l’usine où elle était prisonnière par la seule volonté de sa mère. L’un d’eux, Thomas, lui paraissait le plus accessible. Il avait posé sur elle un regard triste, qui voulait lui faire comprendre qu’il était désolé de faire partie du même groupe que ces chasseurs à l’allure rébarbative. Elle les revoyait lorsqu’ils l’avaient jetée à terre sans ménagement, après lui avoir sauté dessus à la sortie du petit bois. Avant qu’elle puisse comprendre ce qui lui était arrivé, elle s’était retrouvée les mains liées derrière le dos et un foulard sur la bouche pour l’empêcher de crier. Cette agression brutale lui avait fait penser à une de ses lectures parmi celles autorisées par le Grand Maître, deux jeunes faons attaqués par une meute de loups, qui n’avaient pas réussi à se sauver. Et pourtant, elle ne pouvait pas se déclarer perdante maintenant, alors qu’elle venait de passer trois mois en totale liberté… Ne plus courir le long des sentiers, au milieu des herbes folles. Se retrouver à nouveau enfermée, les prières et les incantations remplaçant le sifflement du merle et le bourdonnement des abeilles, l’air pur de la montagne oublié devant les relents fétides provenant des murs suintant d’humidité de l’ancienne usine… Ces derniers mois, elle n’avait même plus droit au regard maternel plein d’amour : il lui semblait être désormais presque transparente aux yeux de Jeanne, qui ne vivait plus que pour le regard bleu magnétique du Grand Maître. Submergée par son chagrin, Ophélie tourna son regard vers les deux jeunes gens, un peu à l’écart. Si Antony n’osait pas la regarder, elle devinait dans les yeux de Thomas une lueur de complicité et d’affection. Elle savait que le garçon avait une attirance pour elle, elle avait déjà remarqué que, même s’ils n’avaient pas le droit d’avoir des conversations privées, il était heureux lorsqu’il était près d’elle, qu’il la frôlait en passant. Ils avaient tous les deux l’âge où la vie s’ouvre devant soi, où l’on a le cœur plein d’espérance. Peut-être allait-il l’aider à fuir, à échapper, lui et elle, à l’emprise des trois hommes ? S’ils avaient emmené Thomas et Antony, c’est qu’ils ne se méfiaient pas d’eux, qu’ils les croyaient entièrement dévoués à leur cause. Ophélie en était certaine maintenant : Antony ne serait pas un obstacle, il ne chercherait pas à les retenir. Quant à Thomas, il était prêt à partir avec elle, elle le sentait. La liberté était à portée de main. Elle avait vu que les trois hommes avait sorti de leurs sacs-à-dos des bouteilles de whisky et de rhum, ce qui lui semblait pas très en accord avec les préceptes du Grand Maître. Eux aussi paraissaient vouloir profiter, à leur manière, de leurs heures de liberté. Thomas et elle échangèrent un coup d’œil entendu. Ils attendraient la nuit, et ils s’enfuiraient main dans la main, lorsque l’alcool aurait fait son œuvre. Il suffirait d’être patients…

 

Rédigé par Annie

Publié dans #Liberté

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