DES VACANCES EN TOUTE LIBERTÉ

Publié le 16 Novembre 2021


 

A tour de rôle, les membres de l’exploitation agricole commune prennent leurs vacances, chacun part une bonne semaine. Chantal, dernière arrivée, dernière servie, attend son congé avec impatience. Françoise, une cousine qui habite dans les Landes, au bord de mer, l’a invitée. Françoise n’arrête pas de vanter la beauté de sa plage, un petit coin de paradis, selon elle.

Pourtant, Chantal a quelques appréhensions. Ses souvenirs de plage ne sont pas tous bons, loin de là. Elle a connu une plage de galets, bordée par une promenade empruntée par des promeneurs, certes, mais aussi par des voyeurs qui la mettaient très mal à l’aise et l’empêchaient d’enlever le maillot mouillé pour le remplacer par un maillot sec. En plus, s’allonger sur des galets était très inconfortable, il y avait toujours un caillou qui dépassait, qui gênait. A peine enlevé, un autre prenait la relève. Lorsqu’elle avait ainsi déplacé une bonne dizaine de galets sans trouver du confort, elle devait se rendre à l’évidence. Il fallait soit partir, soit supporter stoïquement l’inconfort de la couche. Après avoir opté pour la deuxième possibilité, elle avait rapidement trop chaud, le soleil lui brûlait la peau, il fallait se rafraîchir dans la mer. Mais alors qu’allongée, le poids du corps était reparti sur une surface assez large, en position débout, toutes les irrégularités du sol étaient concentrées sous les pieds, et tout le poids du corps reposait sur eux. Mais ce n’était pas tout. Les galets étaient brûlants, et ne faire que trois ou quatre mètres jusqu’à la mer était un vrai calvaire. Chantal essayait de marcher sur la pointe des pieds, mais perdait alors l’équilibre sur le sol irrégulier.

Chantal a aussi des souvenirs d’une plage de sable, elle aussi bordée par une large promenade, qui ne désemplissait pas d’hommes épiant les baigneuses. Toutefois, pour s’allonger sur la serviette, c’était mieux. C’était même un plaisir d’imposer au sable fin et chaud les formes de son corps. Puis, c’était très agréable de le laisser glisser entre les doigts, des mains et des pieds. Mais à l’heure du pique-nique, quelle galère ! Pour peu qu’il y avait une petite brise, le sable virevoltait pour assaisonner son pain bagnat, ou sa pissaladière. L’appareil digestif des poulets en a besoin, du sable, pensait-elle. Espérons que ce n’est pas non plus mauvais pour moi. Mais n’empêche, c’était désagréable, le sable qui grinçait entre les dents, qui se collait aux doigts badigeonnés d’huile d’olive. Puis, sur une plage de sable, où on peut se mouvoir sans se faire mal, les enfants, et même les jeunes adultes, couraient vite, faisaient un vacarme de diable, jouaient au ballon, au frisbee, qui aboutissait plus d’une fois sur la tête de Chantal. Certes, il y avait aussi du bruit sur la plage de galets, mais il était plus étouffé, plus discret. Le plus dur, c’était le départ. Elle s’asseyait sur la marche la plus haute de l’escalier qui reliait la plage à la promenade, secouait vigoureusement ses vêtements, sa serviette, son sac, ses sandales. Elle essayait de dessabler ses cheveux, ses pieds. Après une dizaine de minutes, elle s’estimait débarrassée du sable mais arrivée à son logement de vacances, elle devait se rendre à l’évidence que ses efforts avaient été vains.

Françoise amène Chantal à la plage dès le lendemain de son arrivée. Elles quittent la petite ville sur des bicyclettes et longent le bord de mer sur environ trois kilomètres. Françoise s’arrête, « c’est ici », dit-elle. Chantal voit bien la mer au loin, mais devant elle se dressent des palissades, qui entourent des plantes assez hautes, souples, qui se plient comme des roseaux en étant fines comme des herbes.

  • Ce sont des oyats, explique Françoise. Ils fixent le sol des dunes pour que le sable se stabilise, qu’il ne parte ni dans la mer, ni vers l’intérieur des terres.

  • Ce n’est pas très joli, répond Chantal, vaguement déçue.

  • Tu vas voir c’est très bien, rassure Françoise, en s’engageant sur un sentier entre deux palissades.

Au bout d’un moment, Chantal s’arrête net. Elle vient d’apercevoir une jeune femme à poil, mais vraiment complètement à poil.

  • C’est une plage nudiste ?

  • Oui et non. C’est une plage nudiste parce que la plupart des gens sont nus. Mais ce n’est pas une plage nudiste officielle.

  • C’est quoi, la différence ?

  • Je pense que quelqu’un les a arrachées, mais au début de l’été, des affiches sont placardées à différents endroits précisant que la nudité est interdite en application de je ne sais quel article du Code Pénal. Donc, officiellement, ce n’est pas une plage nudiste.

  • Et si la police débarque ?

  • Elle n’est jamais venue, elle a bien mieux à faire.

  • Et alors, une plage nudiste officielle, c’est quoi ?

  • Dans ce cas, l’article je ne sais plus lequel du Code Pénal ne s’applique pas. Une association de nudistes a alors conclu un accord avec la Mairie, ou la Préfecture, je ne sais pas, pour que telle ou telle plage soit nudiste.

  • Mais c’est mieux ? Non ?

  • Non, parce ce que parmi les nudistes, tu trouves des vrais intégristes. Pour eux, la nudité est obligatoire sur ces plages, alors que sur cette plage-là, chacun fait comme il veut. Si ça te gêne de te mettre à poil, tu peux garder ton maillot, personne ne te dira rien. On fait juste la chasse aux voyeurs, ceux qui viennent pour reluquer les femmes.

Faut-il le préciser ? Chantal a passé d’excellentes vacances, à poil à partir du deuxième jour.

 

 

Rédigé par Iliola

Publié dans #Liberté

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