LE CHOIX

Publié le 28 Octobre 2021

C’était une époque ou Humphrey devenait Humphrey Bogart grâce à l’adaptation d’un roman ; Ernest Hemingway, dont les œuvres avaient été si souvent portées à l’écran, n’allait pas tarder à se flinguer dans sa maison perdue de Key-West. Une époque où tout évoluait et où lui, Edgard Normand, n’avait pas sa place.

Il avait besoin de recul …

Assis sur une borne kilométrique, son sac à dos posé à côté de lui où l’on pouvait lire : « Français, âge moyen, cherche à joindre Columbus ». Ville de Tennessee William dont sa dernière œuvre « Un tramway nommé désir » avait crevé tous les écrans de cinéma. Il voulait s’inspirer de l’endroit ou Tennessee avait vécu.

Tout lui revenait en mémoire. Sa vie, ses précédents succès littéraires « Le murmure du chêne » et « la diagonale de la vie ». Pourrait-il jamais retrouver ce niveau ? Tout évoluait si vite. Les valeurs qui avaient été les siennes depuis sa plus tendre enfance étaient ébranlées tous les jours. Ses points de repères, ses ancrages se voyaient brouillés.

Le chêne ne pourrait plus rien lui murmurer puisqu’il devenait roseau et se pliait sous le vent quelque soit la direction…

La vie, sa vie traversée en diagonale parce qu’il n’avait abordé que l’essentiel,

L’indestructible comme il se disait, lui semblait dérisoire tant l’air du temps emportait tout cela…

Pourtant les valeurs sûres comme l’amour, l’amitié, le cynisme aussi étaient des valeurs universelles. Saurait-il les porter au niveau des plus grands ?

 

Son éditeur avait bien essayé de le dissuader,

- Mais enfin Edgard que vas-tu faire ?

- Je ne sais pas mais je sens que je dois m’arrêter

- C’est quoi cette histoire ? Une crise liée à la morsure du temps ?

Edgard marmonna une phrase à voix basse, inaudible, son éditeur fit celui qui n’avait rien entendu, il reprit :

- Je vais te dire mon sentiment : « Ce n’est jamais à cause d’un état d’âme, qui ne dure jamais d’ailleurs, que l’on prend des décisions définitives. »

- Ah bon, qui as dit ça ?

- Je ne m’en rappelle plus, mais quelle justesse de raisonnement non ?

Edgard accusa le coup,

- J’ai tout de même la liberté de choisir ma future vie ! Bon je vais raccrocher, je te tiendrai au courant…

C’est ainsi qu’Edgard Normand disparu des rayons de librairie. Ses deux ouvrages avaient fait l’objet de plusieurs rééditions. Les lecteurs écrivaient « Y aura-t-il une suite ? ». L’éditeur jurait que cela ne saurait tarder. Il fallut attendre, attendre.

Des années plus tard… un jour « Le pavillon des pas perdus » d’Edgard Normand parut et reprit le devant de la scène.

 

A ce moment là Lucie sut que son intuition intérieure ne l’avait pas trompée.

Il ne pouvait pas s’être envolé sans donner de ses nouvelles depuis tant d’années, ça ne lui ressemblait pas. Et pourtant il en avait bien fait le choix.

Très vite l’édition diffusée fut épuisée. Un scandale financier lié à l’éditeur l’obligea à cesser toute activité.

Elle décida malgré son âge de mettre toute son énergie en action pour retrouver ce dernier livre …

 

 

 

 

Rédigé par Gérald

Publié dans #Liberté

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