OBJETS INANIMÉS...

Publié le 23 Mai 2021

 

L’ORDINATEUR, LA TASSE BLANCHE, LES LUNETTES, LES BASKETS ET LE SAC

 

Nous sommes des objets usuels.

Cinq objets tirés au sort parmi la multitude.

Des objets du quotidien, insignifiants en apparence mais on a su se rendre indispensables.

Aujourd’hui, on nous donne la parole pour raconter quelques bribes de nos vies. Nos vies, si intimement liées à celle de notre propriétaire. Car nous ne sommes pas libres, nous sommes assujettis à son bon vouloir. C’est le propre d’un objet, être au service d’un humain. C’est bien pour ça que les hommes nous ont créés, n’est-ce pas ?

 

Moi, je suis l’ordinateur.

Ma vie commence dès mon arrivée dans cette maison, il y a quelques mois. Je me souviens de ses mains qui m’ont délicatement extirpé de l’emballage.

Depuis, ses mains pianotent sur mon clavier tous les matins. C’est notre rendez-vous quotidien. Sur le canapé. Moi sur ses genoux. J’adore.

Je me démène pour ouvrir les pages qu’elle me demande, je stocke consciencieusement tout ce qu’elle veut bien me confier, je veille jalousement sur ses secrets, je papote avec ses amis, je lui apporte son courrier.

Je me souviens de ses recherches. Des idées à trouver pour animer ses ateliers d’écriture. C’est d’ailleurs moi qui lui ai soufflé cette histoire d’autobiographie d’objets. J’avais envie de prendre la parole. J’ai un peu orienté sa navigation dans ce sens, je le confesse. Que voulez-vous, je suis un objet intelligent… Cela dit, je l’aide de mon mieux. Je la comprends avant même qu’elle ait terminé sa requête et je cours chercher l’information !

Mais assez parlé de moi. Ma mission du jour est aussi de recueillir les mots de mes camarades.

La parole est à toi, tasse blanche.

 

Merci ordinateur.

Moi, je suis la tasse blanche du café quotidien. Je suis dans cette maison depuis si longtemps que j’ai oublié comment j’y suis arrivée. Mais depuis que j’y suis, je crois bien que je suis la chouchou. Car sur l’étagère du placard, nous sommes nombreuses. Certaines sont bien plus jolies que moi avec leurs motifs colorés. Pourtant, c’est toujours moi qu’elle choisit pour son café.

Elle me pose auprès de la cafetière, je recueille le café brûlant, mes parois se réchauffent, ça fait du bien. Puis nous allons rejoindre l’ordinateur. Elle me boit à petites gorgées, mon bord rond est doux à ses lèvres, je le sais, elle me l’a dit pour que je l’écrive ici. A l’inverse, je pourrai vous confier que ses lèvres sont douces à mon bord rond, comme un baiser délicat...

Dans la journée, je sors quand il fait beau, je prends le soleil sur la terrasse, près d’un bouquin, avec des copines, en famille, c’est selon. Ce que j’aime c’est être sollicitée pour les moments agréables. Je symbolise le réveil, la journée qui commence, je réchauffe, je réconforte, je convivialise.

Mais me voilà vide à présent. Elle a terminé le café. Je laisse la parole aux lunettes.

 

Merci tasse blanche.

Moi, je suis les lunettes. Quotidiennes aussi. Mais surtout indispensables. Nées pour son regard. Sans moi, elle est dans le flou. Rien n’est possible. Je suis ses yeux. Je l’accompagne partout, je guette, je visualise, je filtre, je donne à voir les plus belles images, les plus moches aussi. Tout passe à travers moi avant d’atteindre son œil. Je partage tout avec elle, en tout cas, toute sa vie éveillée. Il n’y a que quand elle dort que je dors aussi, sur sa table de nuit. Mais au petit matin, hop, je saute sur son nez pour le reste de la journée.

J’aime quand nos regards combinés se perdent dans quelques immensités. Des ciels infinis, des mers absolues, des paysages ouverts, des horizons larges. Et puis, on se recentre, le cercle se restreint à la dimension d’une pièce, à l’étagère d’une armoire, à la page d’un livre, à l’écran de l’ordi. Ma vision est espace, je vais de partout avec elle, comme toi, baskets, à qui je laisse la parole…

 

Merci lunettes.

Moi, je suis les baskets, je marche par paire. Je suis de toutes les sorties. Pour aller acheter le pain, pour balader avec le chien, pour les randonnées, pour piétiner dans un supermarché, c’est toujours moi autour de ses pieds. Je suis tellement confortable, ça me rend indispensable !

Et c’est tant mieux, car j’aime ça, partir, voir du pays, même s’il est tout petit. C’est toujours mieux que le placard, c’est moi qui vous le dis !

Il y a des bruits qui ne trompent pas : le cliquetis de la laisse du chien est associé à la balade qui arrive. Mes lacets en frétillent à chaque fois. Le top du top, ce sont les sorties nature. J’adore le lac du Broc par exemple. Là, la poussière colle aux semelles, parfois je tâte l’eau, je m’amortis sur l’herbe tendre, je m’endurcis sur les galets, je cours avec le chien, je bouge, je vis ma vie de super souliers sportifs tout terrain. Si j’ose dire, c’est le pied !

Mais je ne suis pas le seul objet qu’elle entraîne dans ses virées, il y a le sac aussi, à qui je laisse la parole.

 

Merci baskets.

Moi je suis le sac. Dépositaire du trésor. J’abrite, je garde, je trimballe tout un bric-à-brac. J’ai l’âme facétieuse parfois ; j’aime bien dissimuler quelques petites choses tout au fond de mon antre, comme le téléphone ou les clés ; ça marche à tous les coups, elle s’énerve, fouille toutes mes poches, ça me grattouille, ça me chatouille... C’est bon !

Je suis de toutes les balades. Depuis quelques temps, de nouveaux objets ont pris place entre le portefeuille et le chéquier : le masque et le gel hydroalcoolique. Ces deux-là, je les laisse toujours bien accessibles. J’ai bien compris qu’ils étaient importants. Elle les utilise souvent.

Mon grand bonheur, c’est d’arpenter les rues de la ville bien serré contre elle. Elle me porte en bandoulière, adossé à sa hanche qui me balance au gré de ses pas… Je voyage, rêvasse, contemple, tout en protégeant les gris-gris qu’elle m’a confiés. J’ai souvent l’impression d’être une sorte de caverne d’Alibaba ! Il arrive même qu’elle retrouve dans ce foutoir des bricoles qu’elle cherchait depuis longtemps ailleurs.

Mais je parle, je parle et je sens qu’elle s’impatiente. Je crois qu’elle veut sortir. Les lunettes sont sur son nez, les baskets autour de ses pieds, la tasse blanche dans l’évier et la souris de l’ordi sur l’icône ‘‘Marche/Arrêt’’.

Elle saisit ma bandoulière, vite, il est temps de conclure... avec Lamartine, bien sûr !

Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?

 

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Rédigé par Mado

Publié dans #Les objets

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