LE TABLEAU
Publié le 8 Avril 2021
Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute sa vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.
Des souris et des hommes – John Steinbeck
On l’appelait ‘Le Vieux Sage’, peintre, dont les tableaux avaient fait le tout du monde.
Ses yeux bleus nous perçaient puissamment, presque d’une manière intrusive, nous étions à sa merci !
Parfois, Michel emmenait son petit fils Jules, tout en s’adonnant à son plaisir en plein air, il lui racontait des histoires, ses aventures en Afrique.
Mais soudain, son appareil auditif gauche fit des grésillements d’alerte, lâchant ses outils de peinture, prenant Jules par la main, ils se jettent derrière un fourré, attendant de découvrir, chut !
Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes comme celles d’un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux : il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et velouté, d’un vert profond, d’un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d’Edouard, comme s’il se mordait la queue.
Au-revoir là-haut Pierre Lemaître
-Vieux, certainement, sage, je ne sais pas, s’exclame d’une voix tonitruante un vieux de la vieille, peintre du dimanche, sans envergure, chicanier. Je sais que tu es là, sors de ta cachette !!!
Sortant de leur buisson, Michel et Jules, affrontent l’énergumène, le visage caché derrière de grosses lunettes.
-Que me vaut le plaisir de ton arrivée fracassante !
A cet instant, le vieux sorti des papiers de la poche de sa veste et attrapa son ami dans ses bras.
On est accepté tous les deux pour le concours de peinture, ‘Un Désir de Voyage en Afrique’, tu connais, tu dois avoir des souvenirs !
Le vieux sage, s’appliqua à créer un ‘chef d’œuvre africain’ lui remémorant ses années de bonheur, son mariage avec une belle ivoirienne ‘Minata’, déjà maman d’un petit garçon âgé de deux ans, Seydou.
Des exactions à l’époque avaient tué son mari.
Puis un retour en France, après une guerre civile avant l’indépendance de la côte d’Ivoire.
A présent, son fils, Seydou est éditeur, il aime relire l’extrait d’un livre de Roy Lewis.
Fervent supporter de la peinture de son père, ‘Le Vieux Sage’, mais lui a très souvent conseillé d’écrire ses mémoires de guerre, dans le Vercors durant la deuxième Guerre Mondiale, le maquis, les compagnons de résistance tués sous ses yeux.
Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j’étais sûr qu’il eût voulu que je dise quelques mots, et c’est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains : celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous : celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence.
Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions.
Pourquoi j’ai mangé mon père – Roy LEWIS
Michel a écouté son fils, commencé l’écriture de ses mémoires, tout en continuant à faire des expositions de tableaux avec nous, sur le bord de mer ‘Les Flots Bleus’ à Saint Laurent du Var.
L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice : la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche. Je l’ai repoussée en lui tournant le dos.
Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n’a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J’ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J’ai longtemps marché dans le désert : j’ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J’ai connu « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout semble paisible.
La Nuit Sacrée – Tahar Ben Jelloun
A présent, ce grand peintre et ami est décédé, quelques temps avant, il m’avait donné un de ses tableaux, qui est accroché dans mon entrée…..