POINTILLÉS ET CAMAÏEUX

Publié le 1 Novembre 2020

 

 

 

 Rêve des femmes de Kirstine Nangala Brown 

 

 

 

 

 

En ce début d’automne, j’étais allé visiter l’exposition temporaire « Arts Aborigènes d’ici et d’ailleurs » au MAMAC de Nice. Une amie qui s’essaye à la peinture m’en avait parlé avec tant d’enthousiasme, soulignant la richesse et l’abondance des œuvres, présentées selon un mode immersif réellement efficace.

Pour moi, ce courant artistique évoquait essentiellement des figures de lézards à base de pointillés et des harmonies de camaïeux pastel.

Par précaution, afin de profiter au mieux de la visite en minimisant la concurrence entre visiteurs, je me présentai au musée dès son ouverture, privilège de mon statut de nouveau retraité.

Sitôt franchie l’entrée de l’exposition encore déserte à cette heure, je fus happé par l’abondance et l’exubérance de pointillés géométriques pas toujours figuratifs mais toujours hypnotiques, exposés à mon unique regard.

Mes yeux parcouraient l’espace, scrutant les tableaux disposés en panorama autour de l’œuvre centrale, sautant de toile en toile, soudain captés par un détail, puis refluant vers la vision globale, parcourant les traces en sautant de pointillé en pointillé comme sur des pas japonais ; les soleils me brûlaient la rétine ; les lézards me guettaient, menaçants. Et toujours mon regard revenait à l’imposante œuvre centrale, immense toile couverte de cercles ocres et de courbes bleues, hypnotiques.

Combien de temps restai-je ainsi, submergé de pointillés, envoûté de sinuosités ? Je ne saurais le dire. Peu à peu, les visiteurs affluaient, m’obligeant à composer avec leurs silhouettes, masquant temporairement à mon regard telle partie d’une œuvre qui prenait alors une toute autre signification. A force de contorsions, je trébuchai, faillis perdre l’équilibre ; je regagnai la sortie, la rue, la ville, la vie et cet air frais automnal qui réconforte. J’entrepris de gagner la plage afin de me reposer les sens grâce à un spectacle moins exotique, plus maîtrisé. Une bonne vieille chaise bleue bien de chez nous m’accueillit face à la mer.

La vie reprenait son, cours ; le ressac chahutait les galets ; les brise-lames hébergeaient leurs lots de pêcheurs ; les avions poursuivaient leur ballet aérien autour de l’aéroport ; le soleil déclinait doucement à l’ouest, révélant les reliefs au loin, illuminant les cieux d’autres camaïeux. Tout cela m’apaisait peu à peu ; mon pouls parvenait enfin à ralentir.

J’étais bien, là, dans mon univers, le regard perdu au loin dans l’azur céleste se mêlant à l’azur marin. Comme souvent, mon regard fut attiré par la lente plongée du disque solaire, accompagnée de son dégradé éblouissant d’ocres et de mauves, qui m’évoquait ce jour-là les camaïeux des œuvres aborigènes.

Il me sembla confusément que le disque solaire n’était plus unique, non ; maintenant il s’était multiplié au point de couvrir l’horizon, d’emplir l’éther. La mer répondait au déclin solaire en brillant de mille points lumineux éphémères. Les vagues, à leur tour, entraient dans la danse, dans la transe, ondulant en courbes de plus en plus régulières, sinusoïdes parfaites refoulant des crêtes pointillées d’écume éblouissante s’échouant sur le pointillé des galets. Ce spectacle étrange m’en évoquait un autre, enfoui dans mon esprit confus mais qui ne demandait qu’à émerger.

Soudain, la scène se figea. Je bondis sur mon séant, les idées claires. Voilà donc le sens du mystérieux tableau central hypnotique : un coucher de soleil sur la mer !

Rédigé par Benoît

Publié dans #Rêves

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