LE RÊVE DE GASTON
Publié le 18 Novembre 2020
Je profite de ce que le monde est en confinement et surtout que les librairies sont fermées pour sortir de mon album et venir me confier à vous, enfin à toi si tu le permets, pour te dire que je t’envie et que j’aimerais être à ta place.
Je sais tu vas me dire :
« Tu es célèbre. Tu es connu dans le monde entier. Tu parles plusieurs langues. »
Je sais tout cela, mais laisse-moi t’expliquer. J’ai 63 ans et toute ma vie je l’ai passée dans des cases où mon père, suivant les albums, m’octroie un certain nombre d’espaces de liberté.
Il m’accorde par exemple, la possibilité de voir mon ami Jules de chez Smith, mon complice pour toutes mes aventures burlesques ou de voir ma douce Jane avec qui je ne puis avoir des moments d’intimité ni en actes, ni en paroles car tout ce que je dis s’envole dans des bulles que le lecteur avide s’empresse de lire.
Il dirige ma vie à coups de crayons et de gomme. Il est mon maître et je suis sa créature, sa chose.
Et je ne te parle pas de mon travail : Fantasio me harcèle, m’accuse de tout et me rend responsable de ses déboires avec monsieur Maesmaker pour une histoire de contrats auquels je ne comprends rien. C’est vrai que j’en fais voir de toutes les couleurs à ce pauvre Prunelle qui prend toujours Yves Lebrac à témoin. Enfin, heureusement que j’ai mes animaux, mon chat un peu fou et ma mouette rieuse, pour me donner de l’amour et de la tendresse.
Quand je me présente « Bonjour, je m’appelle Gaston Lagaffe », personne ne me prend au sérieux.
Mon père ne m’a même pas reconnu, car j’aurais dû m’appeler Gaston Franklin.
Alors tu vois, être célèbre, connu du monde entier, à quoi ça sert ? J’aurais préféré être vivant, car je peux te dire que pour moi, la vie c’est un rêve.
Allez ! Je retourne dans mon album, j’ai été content de te parler et de m’être senti vivant juste un instant.