CAUCHEMAR EN CUISINE
Publié le 8 Novembre 2020
Tout se passe au mieux jusqu'au moment où Léo se sent mal
dans cette cuisine du 52ème étage de la Dubaï tower.
Une bouffée de curry échappée du basmati enfume le lieu.
Saoud ouvre la fenêtre pour mieux mélanger ciel et huile épicés
et aider Léo à recouvrer ses esprits.
Rien n'y fait.
Léo, inconscient, yeux clos et apeuré montre de l'idée la fenêtre.
Un pied pend d'une jambe nue, là derrière la baie vitrée
dans une chaussure noire taille 36
puis un autre d'une jambe de bois dans une basket taille 40.
La mort mousseuse crache sur le sale de la transparence,
la bave descend laissant une trace limacée sur le carreau.
On entend Saoud qui continue à agiter le fouet dans un basmati
qui cuit jaune et gonflé d'indifférence dans le curry.
Léo s'enroule le corps, il se sent tout risotto.
Il se brûle les doigts à vouloir lâcher son rêve.
Il ne veut pas accrocher sa nausée aux rideaux pourtant il doit se lever,
aller vers à la fenêtre et porter secours à ces jambes.
Et puis, le lacet de la chaussure noire est défait.
Léo doit refaire le noeud d'urgence
avant que le personnage ne trébuche sur un courant d'air
et ne tombe dans le vide mouillé du trottoir.
Léo trampoline toujours dans ses hésitations.
Il finit par se pencher sur son vertige, sourd à l'appel du vide.
Il attrape le lacet, tout tourne en boucle une dernière fois
et il ouvre enfin les yeux sur le monde.
La nacelle des laveurs de vitres descend le long de la paroi de verre.
Elle s'arrêtera au niveau de son cauchemar.
Sur la desserte, le riz gorgé de plaisir,
assaisonné et cuit à point, pilaffe d'impatience.
Dany-L