PAR LA FENETRE

Publié le 20 Avril 2020

La fenêtre du grand hall, ça fait partie de l’univers de Pascal.

Pascal est factotum au Régina, un ancien hôtel datant du début du XXe siècle transformé en 60 appartements. Malgré le confinement il ne manque pas de travail.

 

8h00 - Astiquage des sols, portes vitrées, boites aux lettres, parlophone. Par la fenêtre, premier coup d’œil au jardin du parc.

-Tiens, il faudra tondre la pelouse dans la semaine, le jardinier ne vient plus !

 

9h00 – Ouverture de la fenêtre pour l’aération. Dehors c’est le grand silence. Plus de sirènes de voitures prioritaires, plus de démarrages intempestifs au feu rouge du coin de la rue, seuls les oiseaux du parc se partagent les grands arbres, tout content d’offrir branches et feuillages naissants à tout ce monde bruyant.

Ne pas oublier de remplir les petits bacs à eau, ça fera des heureux.

 

10h00 – Par la fenêtre le facteur est repéré au bas du petit chemin. Il fait signe à Pascal, lui dépose le sac du courrier qu’il reprendra demain ou après-demain. Pascal distribue les lettres. Pour les colis il appelle par l’interphone les personnes concernées. Louis, la personne âgée du quatrième, réagit aussitôt :

-Je descends de suite !

-Non, non ne bougez pas je vous l’apporte, vous devez rester confiné, répond Pascal !

-Et m….. J’ai le droit de me promener non ?

Ils en rient tous les deux, il faudra respecter les distances, ça n’est pas le moment de…

 

11h00 – Pascal aperçoit le sportif du premier qui revient de ses courses. Sac à dos, deux paniers remplis à ras bord. La prochaine fois il lui faudra une corde de rappel, pour les piolets ça sera difficile. Un grand sourire.

Une trace sur le vitrage de la fenêtre lui avait échappé tout à l’heure. Enlevée sur le champ.

 

12h00 – La fenêtre est ouverte. Pascal essaie de saisir les effluves du jardin. On dirait que le printemps est en retard cette année, au ralenti lui aussi ? Pourtant les hortensias comment à fleurir… c’est une illusion certainement…

Et la petite fontaine du bassin ? On ne l’entend plus, j’irais voir tout à l’heure, ça ne doit pas être grand-chose.

 

14h00 – Silence, c’est la sieste. Tout le monde se repose sauf la petite dame du troisième qu’il aperçoit avec sa canne dans le parc. Elle le voit derrière la fenêtre du hall, lui fait signe.

-Ah Pascal, vous avez-vu à la télé…

-Madame Martin, je vous l’ai déjà dit, arrêtez de regarder les informations en continu, je vais demander une ordonnance a votre médecin : Interdit de journal télévisé. Je vous passerai des cassettes et puis sur le journal il y a plein de jeux, tenez je vous laisse le mien sur la petite table… pensez à le prendre en remontant.

 

16h00 – D’habitude le petit salon au pied de la fenêtre déborde de visiteurs qui attendent que Pascal prévienne les résidents. Les enfants glissent comme à Courchevel sur le marbre lustré. Là, Pascal, les mains derrière le dos, suit au travers des vitrages la transformation des nuages, le ciel bleu qui s’installe, qui disparaît, qui revient … Le bruit de la fontaine le rassure… ça n’était vraiment pas grand-chose.

 

20h00 – tout s’anime brusquement. Applaudissements, instruments de musique sur les balcons, concerts improvisés, cris, sifflets. Par la fenêtre il aperçoit les faisceaux lumineux qui scandent le rythme des chansons. La vie étouffée semble se réveiller.

 

20h15 Le silence revient. La nuit s’impose. Demain sera un autre jour.

En avril ne te déconfine pas d’un fil…

 

 

Gérald IOTTI

Rédigé par Gérald

Publié dans #Confinement

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