ENTRACTE

Publié le 11 Janvier 2020

ENTRACTE – Edward HOPPER

 

 

« Toute la misère du monde » aurait été le titre de ce tableau si j’en avais été l’auteur. En fait Edward Hopper l’a peint en dix-neuf cent soixante-trois et nommé « Entract »

 

 

Entracte, moment de répit dans le cours d’une vie. Voilà ce que suggère cette jeune femme avachie plus qu’assise dans un fauteuil vert bouteille face à la scène récemment repeinte crème glacée vanille corsée au café des hauts plateaux du Nicaragua. La salle de spectacle est vide, elle est seule.

Sa robe bleue pétrole d’une coupe stricte laisse croire qu’il s’agit de l’ouvreuse, elle détend ses jambes lourdes, repose ses pieds gonflés mais n’ose ôter ses escarpins noirs, un spectateur en avance pourrait ouvrir la porte cachée dans le mur gris souris barré d’une corniche noire. Son port de tête, son expression dénote une immense lassitude comme en exprime les personnes de basse extraction harassées par un travail mal rémunéré, contraintes d’effectuer des heures supplémentaires subies, qui voient l’âge pivot de départ à la retraite sans cesse reculé et surtout sans aucune reconnaissance par la société. S’ils n’étaient multitude nous pourrions douter de leur existence. Ces gens sont ballottés des heures durant dans les transports en commun sales et puant la transpiration de corps mal nourris, assaillis par les mille et un tracas de la vie quotidienne d’un pauvre toujours à la recherche de la moindre piécette pour acheter une baguette de pain « tradition », un litre de vin rouge qui tache. Cette plèbe ne laisse qu’une très faible empreinte carbone et savoir qu’elle participe ainsi au sauvetage de la planète est pour elle une immense source de bonheur et de satisfaction mais pas la seule, les séries télé participent également pour beaucoup.

Immisçons-nous dans ses pensées. Oh n’attendez pas de fulgurances ou traits de génie, non, seulement de petites actions à faire, oubliées ou procrastinées.

  • Ai-je bien fermé le gaz avant de partir.

  • Si Steve rentre encore bourré et me tabasse, cette fois je le vire, peut-être.

  • Ne pas oublier de payer la cantine scolaire comme le mois dernier, pauvre Peter il l’a sauté.

 

Heureusement la moquette, couleur des blés durs mûrs des grandes plaines du Midwest, réchauffe ce tableau dominé par des couleurs froides et nous évite ainsi un sérieux coup de mou.

La légende new-yorkaise rapporte que Joséphine, son épouse née Verstille Nivison, aurait confié à un ami de la famille les dernières paroles du Maître « la vie n’est pas gaîté tous les jours »

Rédigé par Hervé

Publié dans #Cinéma

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