MÉMOIRE DE SALLE OBSCURE

Publié le 19 Octobre 2019

Ah ! On peut dire que j’en ai vécu des évènements, même si je suis un peu en retrait de la salle. Très en retrait d’ailleurs. Tout au fond en vérité. En en hauteur en plus ! Un poste d’observation génial, rien ne pouvait m’échapper !

 

La salle éclairée qui se remplit petit à petit, s’anime de conversations plus ou moins chuchotées. Il y a ceux qui arrivent et filent directement s’asseoir, un peu comme si leur place était réservée ; généralement des personnes seules. Et puis ceux qui hésitent, discutent, s’assoient, se relèvent pour aller plus loin, plus près, à gauche, à droite, si jamais un chapeau, un chignon ou une coupe afro vient à occulter une partie de l’écran devant eux.

 

Et puis les bruits habituels de papiers de bonbons froissés, de mains plongeantes dans les seaux de pop-corn ou encore des bips, des drings, voire des intro musicales ou jingles agressifs des téléphones dont les propriétaires ne connaissent toujours pas la fonction silence.

 

Ah ! Voilà mon moment favori : le lancement des bandes annonces, les pubs et la lumière qui décline jusqu’à ce que les premières images du film se déroulent sur l’écran. Une nouvelle histoire qui commence, c’est toujours un peu excitant. Les premières images dévoilent un certain évènement, un trait de caractère, un indice, clin d’œil d’une scène future.

 

Et puis, quelque soit l’histoire, les réactions des spectateurs. Certains, impassibles, fixent l’écran, totalement absorbés. Certains, sensibles, se recroquevillant lorsque l’histoire tourne au vinaigre ou que le héros se trouve en difficulté. D’autres dorment du sommeil du juste : ça c’est vexant, je l’avoue. Il y a ceux qui commentent ; ça, ça m’énerve prodigieusement. Et puis ceux qui ne regardent pas grand-chose à l’écran, occupés qu’ils sont à se bécoter consciencieusement. Généralement des ados… Oh ! On l’a tous fait finalement. Et puis des couples de petits vieux dont les mains s’entrecroisent sur l’accoudoir commun. Ceux que j’appelle les lucioles, occupés qu’ils sont à regarder l’écran… de leur « téléphone intelligent ». Mais pourquoi ils viennent au cinéma s’ils ont peur du noir ? Le cours des choses de va pas faire basculer la planète le temps d’un film, alors pourquoi se priver d’une belle histoire ?

 

Moi j’aime quand la salle retentit d’éclats de rire francs. J’aime aussi quand les images, la musique ou l’histoire tirent des larmes. Il y a ceux qui sortent leurs mouchoirs sans honte, et puis ceux qui essayent d’écraser discrètement une larme qui perle au coin de l’œil.

 

C’est la vie le cinéma. Ça fait rêver. Ça fait rire. Ça fait pleurer. Ça fait peur. Ça fait du bien de s’échapper une paire d’heures.

 

Je vais vous avouer ce qui me fait frissonner, ce qui me met le plus en joie : c’est quelques applaudissements timides qui se transforment en ovation. Le générique qui défile peu à peu me rend lui mélancolique. Le bruit des fauteuils qui se replient lorsque la salle se lève alors que la lumière revient lentement sonne comme un au revoir.

 

Beaucoup sortent en silence, comme s’ils voulaient prolonger l’instant. D’autres échangent tout de suite quelques paroles et bientôt, le vide à nouveau…

 

Et moi je suis toujours là. La lumière de la cabine de projection s’éteint et je redeviens un simple petit trou noir dans le mur du fond.

 

Rédigé par Bernadette

Publié dans #Cinéma

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article