LE FAUTEUIL ROUGE DU CINÉMA DISPARU

Publié le 15 Octobre 2019

Vous la connaissez l’histoire du petit cinéma de quartier, tout le monde la connaît, on en a même fait une chanson, vous vous souvenez ?... La lumière va se rallumer sur le petit cinéma de quartier, c’était la dernière séance, et le rideau rouge est tombé... et bien le pire, c’est qu’il n’est rien devenu ce petit cinéma, mon petit cinéma, vous pouvez aller contrôler, à sa place il n’y a rien et pourtant je pourrais y retourner les yeux fermés et retrouver ma place, oui, oui,  j’y avais ma place, une place adossée à un pilier ; qui avait pu  imaginer cela dans un cinéma, des piliers !! Il y en avait deux, moi le mien c’était celui de droite, mon siège était là, en velours rouge, adossé au pilier, un velours rêche qui me piquait un peu les jambes.

Comme j’étais petite, on ne dépliait pas l’assise et on me juchait sur le dossier, c’était parfait !! J’étais presque aussi grande que Maman et je pouvais appuyer ma tête sur le pilier et ça c’était épatant surtout depuis que je m’étais rendue compte que j’étais la seule à jouir d’un tel privilège, car moi j’avais un siège avec un pilier appuie-tête. Je pouvais même m’endormir si le film ne me plaisait pas ce qui arrivait parfois, je dormais, là, bouche ouverte, la tête contre mon pilier. Il faut dire que lorsque j’étais enfant, on ne faisait pas tant cas des désirs des enfants. Les parents choisissaient un film et nous on suivait..

A cette époque, on pouvait pratiquement tout voir au cinéma, les westerns, les fils d’amours chastes et à l’eau de rose, les films historiques, les films policiers…. C’était souvent avec eux que je m’endormais, c’était souvent compliqué et je me passionnais pas pour ces histoires de grands…

Que d’émotions, que d’émois sur mon fauteuil de velours ! Chaque séance se déroulait de la même façon : d’abord il y avait les actualités, la politique : des messieurs sérieux qui disaient des choses importantes, je regardais Papa, il opinait du chef !! Moi, je remuais un peu parce que c’était long, j’attendais le dessin animé. Maman me donnait un rouleau de réglisse, c’était pas cher et ça durait longtemps. Ça y est presque, je reconnais cette musique qui devient très forte : Jean Mineur vous présente…. Et là , arrivait mon petit copain le mineur qui me faisait un clin d’œil ; pour me taquiner Maman me disait à l’oreille « c’est ton fiancé », je me sentais devenir toute rouge.. heureusement nous étions dans le noir !..

Après cette bouffée de honte sentimentale, c’était pour moi, le clou de la soirée : le dessin animé, quel bonheur, c’étaient des dessins animés américains… il n’y avait que là, au cinéma qu’on pouvait les voir, on n’avait pas la télé à l’époque.

Juchée sur ce fauteuil, les jambes pendues dans le vide j’ai vécu de grands moments de ma vie de petite fille, je suis tombée éperdument amoureuse du crâne de Charlton Eston, et d’ailleurs cela ne m’a pas quittée, j’ai ri aux larmes avec Fernandel lorsqu’il jouait Don Camillo, je suis morte de peur devant l’arrivée inopinée des Apaches qui égorgeaient les gens dans des chariots lancés à toute allure sur des chemins poussiéreux, je me cramponnais à mon fauteuil, j’enfonçais mes ongles dans le velours, mais je le caressais lorsque Ginger Rogers dansait avec Fred Astaire. C’était magique ils étaient très beaux et elle avait de belles robes. C’est décidé, je serai Ginger Rodgers lorsque je serai grande, et….

Je suis devenir grande, je ne suis pas danseuse, j’ai changé de quartier, de ville, les cinémas maintenant sont modernes, les fauteuils accueillants, mais quand même lorsque je vois un petit bonhomme assis sur le dossier de son siège et bien… je l’envie !!!!

Rédigé par Françoise S.

Publié dans #Cinéma

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