IMPRESSION
Publié le 15 Octobre 2019
Je peux dire que j’en ai vu passer des kilomètres de gélatine, enfin, de pellicule. Sans moi et ma famille, pas de stars, pas de festival, pas de cinéma, l’écran blanc dans les salles obscures serait resté un simple drap, pour ombres chinoises.
Je me souviens l’histoire de ma grand-mère : elle était sur le quai de la gare de la Ciotat au milieu d’une fumée ; il a fallu qu’elle saisisse l’arrivée d’un train. Il parait qu’elle a participé à une révolution, la naissance du cinéma. Elle m’a raconté que c’était un jeune opérateur qui lui tournait la manivelle et qu’il aurait pu lui faire tourner la tête. Heureusement que mon grand-père veillait au grain.
Mes parents, eux, se sont ouverts au grand public, de 8 en super 8 ; ils ont filmé les premiers congés payés, les baptêmes, les mariages... la pellicule coulait à flots. Ils travaillaient beaucoup avec Kodak, ils filmaient et lui, développait... une époque de rêve, peuplée d’incertitudes sur le résultat.
Pour moi aujourd’hui, fini de sentir en moi et sur moi la caresse de la pellicule ; je suis dans mon époque, une carte informatique me sert de mémoire, je filme, je regarde, j’efface et je recommence. Parfois je regrette le temps de mes grands-parents, je crois que nous avons perdu la part de magie qui était en nous, le rêve de l’inexpliqué.