I-N-I-M-I-T-A-B-L-E

Publié le 2 Octobre 2019

Libre, mobile, conviviale, adorée, je suis la vespa dans « Vacances Romaines » 1953 avec Gregory Peck en reporter et Audrey Hepburn en princesse hongroise. Moi aussi je suis une vedette du film. Sans moi, est-ce qu’il aurait eu autant de succès ? Pourtant je n’ai pas eu d’oscar…

Bon, je me décide à vous raconter cette histoire.

 

Vous vous rappelez cette scène d’anthologie avec mon départ tremblotant piloté par Audrey ? A vrai dire je n’étais pas rassurée moi aussi. Heureusement qu’elle ne savait pas passer les vitesses et qu’on est resté en première !

Vous vous souvenez du marché traversé à contre-sens, les étals renversés, l’autobus qui s’écarte pour nous éviter, la poursuite par des policiers à motos, toutes sirènes hurlantes et l’arrestation mouvementée ? Moi qui incarne la dolce-vita, il fallait le faire. Evidement tout s’arrange. Je leur pardonne tout à ces deux-là.

Et puis le soir, Gregory qui nous conduit au Baletti du château Saint-Ange. Moi, garée près d’une grosse moto Guzzi. Ne voilà-t-il pas qu’elle incline sa roue vers moi quitte à me toucher ! Non mais ! ce n’est pas un gros bras avec ses allures mal dégrossies qui va me faire du plat. J’ai de l’éducation moi ! On me reconnaît et on s’écarte pour me laisser passer, moi.

Mais qu’est-ce que c’est tout ce bruit ? Voilà qu’ils recommencent ces deux-là, ils sont terribles. Gregory ne supporte pas les sbires qui essaient de raisonner Audrey, l’obliger à regagner son palais et cesser ces enfantillages. Fuite qui se termine dans l’appartement de Greg. Mais là on m’a tout raconté, moi j’attendais en bas bien garée.

-Qui on ? m’interroge une lambretta jalouse intéressée !

La femme de ménage pardi. Elle en était si retournée qu’elle en parlait toute seule dans la rue. Pensez, une femme dans le lit de son reporter chouchou, quelle histoire !

 

Mais en tout bien tout honneur. Audrey n’a pris qu’une douche et Greg a dormi sur le canapé du salon. Un baiser au réveil comme un goût d’interdit…

Moi je dis qu’il aurait dû l’emporter sa princesse, foncer vers l’inconnu au petit matin. Moi j’étais prête. Une vespa à Rome c’est sacré, on passe de partout, tout le monde s’écarte, on ne risque rien. Peut-être a-t-il eu peur des conséquences ?

Je rêve à tout cela et je me dis qu’il ne faut pas tomber dans la nostalgie. Tout est beau au pays de la nostalgie. C’est toujours mieux au pays de la nostalgie.

 

Le film est terminé depuis longtemps. On m’a déposé au musée du cinéma à Cinecitta avec une inscription « vespa pilotée par Audrey Hepburn dans Vacances Romaines ». Les gens me prennent en photo, essaient de me toucher.

 

Moi immobile, je rêve de parcourir Rome dans tous les sens. Revoir la villa Borghèse, la fontaine de Trevi, attendre mes passagers dégustant des « bucattini all’amatriciana » dans un restaurant du Trastevere et filer jusqu’au bout de la nuit. Mais non ! je vis dans mes souvenirs.

 

Finalement qu’est-ce que Gregory a dû lui suggérer lors de cette scène où ils se parlent sur un banc de la place d’Espagne, tandis que la musique et les bruits de la nuit Romaine couvrent leur conversation ?

Ils se comportent comme si le problème était réglé alors que de toute évidence il ne l’est pas.

Je voudrais sortir de cette grande léthargie pour en savoir plus ou peut-être replonger dans mes rêves pour découvrir la réponse à mes questions. Mais je n’y arrive pas.

 

J’ouvre les yeux et je constate que tout est éteint, nuit noire… Le musée du cinéma a retrouvé son silence… Mes personnages sont définitivement partis…

Je ne le saurai jamais.

 

Rédigé par Gérald

Publié dans #Cinéma

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