SERRE CÉLESTE
Publié le 24 Septembre 2019
Gabin bichonne ses roses dans sa serre du paradis, Blier arrive avec une bouteille de Saint-Emilion sous le bras.
Blier : -Tu t’es recyclé dans les roses, tu vieilli mal mon vieux !
Silence de Gabin…
-Il me gonfle celui-là. Il ne voit pas que je tutoie le bonheur. Plus de stress, plus de rendez-vous, plus d’obligation, plus rien quoi ! Et lui qui vient me chercher avec sa tête de canard !
Tiens, ça me fait penser que lorsqu’on a une tête de canard, des ailes de canard et des pattes de canard, c’est qu’on est un canard. C’est vrai aussi pour les couillons !
Blier : -Alors tu ne réponds pas ?
Gabin : - Ecoute, on n’apporte pas de saucisses lorsqu’on se rend à Francfort !
Tu as regardé sous mes plantes ? Une cave à faire pâlir un ours polaire !
Blier se rend compte qu’il s’est fait moucher une fois de plus… même ici. Il déambule parmi les végétaux sans répondre.
Gabin : Tu boudes ? Et bien je vais te dire : Quand on n’a pas de personnel pour garder ses conneries et bien on s’empêche !
Blier sort de la serre et croise Audiard.
-Ah vous êtes là vous aussi ? Décidément vous vous êtes tous reconvertis aux feuillages !
Audiard ne répond pas et s’éloigne.
Gabin cogne à la vitre de la serre et fait signe à Blier de revenir. Les deux acteurs se retrouvent face à face.
Gabin : Tu sais, j’ai dit ça sans réfléchir. Il ne faut pas s’énerver. Il vaut mieux partir la tête basse que les pieds devant, ça suffit d’une fois.
Blier : Pourquoi je m’énerverai ? Monsieur joue les lointains, mais je peux très bien lui claquer la gueule au monsieur et sans m’énerver, ça ne sera pas la première fois.
Gabin : Ah toi tu n’as pas changé, la tête toujours aussi prêt du bonnet !
Blier : Toi par contre toujours aussi fêlé !
Gabin : Heureux soient les fêlés car ils laissent passer la lumière !
Ils se regardent tous les deux et éclatent de rire.
Gabin : Alors tu nous le fait goûter ton liquide ?
Le bouchon saute, les verres se remplissent et se vident aussitôt. Gabin recrache ce qu’il vient de tester.
-Pouah ! Il est bouchonné ton brouille-ménage. Tu nous as trompés avec l’enveloppe mais l’ivresse ne sera pas au rendez-vous !
L’œil brillant, le sourcil en bataille Gabin lève son verre vide et se laisse aller.
-Depuis Jésus avec Judas jusqu’à Napoléon attendant Grouchy à Waterloo, toutes les grandes affaires qui ont foiré étaient basées sur la confiance !
Par la fenêtre Audiard silencieux les écoute :
-Mince alors, je n’ai plus rien à leur apprendre à ces deux là !