MELI-MELO

Publié le 24 Septembre 2019

Dans le salon de coiffure, Jean Rochefort, confortablement installé au bac, tête renversée en arrière, se délecte. Il est Le Mari de la coiffeuse, et, à ce titre, bénéficie d’un traitement de faveur : shampoing agrémenté de massages crâniens des plus agréables. Jean, béat, sourit aux anges. Son épouse aux doigts de fée sait si bien le délasser… Il n’en a jamais assez… La plénitude du bien-être l’amène à la Vérité suprême : le bonheur est soluble dans le shampoing !

 

C’est dans cet instant de grâce absolue que tout explose. Un crissement aigu suivi d’un fracas de tôles froissées le propulse instantanément en position verticale, toute mousse dégoulinante. Dehors, juste en face le salon de coiffure, une collision entre une limousine et une 2CV. Il ne reste pas grand-chose de cette dernière. Capot, ailes, moteur, tout est par terre, éparpillé façon puzzle, comme dirait Raoul, l’ami Blier, l’un des Tontons flingueurs. Ne reste que le siège du conducteur sur lequel Bourvil, hébété, le volant dans les mains, s’écrie :

Elle va marcher beaucoup moins bien, forcément !

Ah ! Le Corniaud ! Il a vraiment la gueule de l’emploi, ce Bourvil ! Et Léopold Saroyan-Louis de Funès qui vocifère… quelle affaire ! Cela pourrait tourner vinaigre, mais une apparition calme tout le monde ! Une magnifique jeune femme blonde, moulée dans une robe noire, dos nu jusqu’aux fesses. Mireille d’Arc passe, s’éloigne, élégante, sensuelle, suivie par Le grand Blond avec une chaussure noire, Pierrot lunaire, Pierre Richard. De Funès et Bourvil lui emboîtent le pas. Jean Rochefort, lui, préfère la béatitude du salon de coiffure. Il se rassied pour le rinçage. L’eau s’écoule, douce, sous les mains caressantes de madame.

 

L’image de la belle blonde s’estompe, disparaît d’un coup quand la porte du salon claque comme celle d’un saloon. Un autre grand blond, un cowboy, chapeau enfoncé jusqu’aux yeux, colt à la ceinture et pardessus poussiéreux entre.

Bonjour. C’est pour une coupe, Monsieur... ?

Mon nom est Personne, dit-il.

Il ajoute :

Quand tu vas chez le barbier, assure-toi que sous son tablier il y ait toujours un homme du métier.

Ah ! Désolée, vous vous trompez de film, d’époque et de pays, lui répond la coiffeuse en souriant.

Terence Hill salue d’un coup d’index sur le bord de son chapeau et repart vers l’Ouest sauvage. La rue devant le salon de coiffure, s’est transformée en piste de terre, l’autobus en diligence à chevaux, le supermarché en maison de bois comme dans les westerns.

 

Jean Rochefort se frotte les yeux, le mirage disparaît, la rue reprend sa place, un vélo-solex passe, piloté par un homme en pardessus, chapeau sur tête, pipe à la bouche, parapluie dans une sacoche latérale. Sur le porte-bagage, un enfant joyeux s’écrie :

Mon Oncle !

Et Jacques Tati bifurque vers le vieux Paris…

 

Le Mari de la coiffeuse semble déboussolé. Trop d’interférences dans son histoire ! Sûrement que l’idiote qui tape ce texte sans queue ni tête s’amuse et s’immisce dans sa fiction !

Son regard transperce l’écran, il m’interpelle :

Hé toi ! Paraît que les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on mes reconnaît ! Arrête de polluer mon film avec tes âneries, sors d’ici.

 

Il a raison. Laissons Les Tontons flingueurs flinguer, Mon Oncle s’amuser, Mon nom est Personne s’identifier, Le grand Blond avec une chaussure noire se chausser, Le Corniaud se faire bananer, Le Mari de la coiffeuse se faire coiffer.

 

Je m’éclipse sur la pointe des pieds, derrière l’écran de mon PC, derrière la page de mon cahier...

 

Rédigé par Mado

Publié dans #Cinéma

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