DESCRIPTION D’EMOTION
Publié le 28 Mai 2019
La peur (en focalisation externe)
Il avançait à pas de loup, plus que silencieusement, à la fois confiant car il avait tout préparé mais quand même… il y avait bien ces petits picotements au niveau de l’estomac… ça se déroulait comme prévu, jusqu’au déclenchement d’une alarme qui lui hurlait maintenant dans les oreilles.
Il s’arrêta net, surpris, stupéfait, ne sachant pas vraiment quoi faire là tout de suite, comme si ses semelles s’enlisaient dans le sol, l’empêchant de courir. Un vertige, puis les tremblements qui suivirent, servirent de déclic. La bouche ouverte ayant retenu un cri de surprise, les doigts moites de sueur, il se mit à courir en sens inverse vers la sortie. Le souffle court, il devait à présent gérer ce qui n’était pas préparé. La transpiration gluante de ses doigts lui fit lâcher la lampe. Les yeux exorbités, il remontait l’immense couloir sombre, en tentant de se remémorer le chemin parcouru si lentement en sens inverse.
Ses jambes semblaient ne plus répondre, à la fois lourdes d’angoisse et flageolantes d’incertitude. Il n’était même plus capable de réfléchir à quoi que ce soit. Le son de la sirène qui ne s’arrêtait pas lui tordait les boyaux, comme une indigestion. Des gouttes perlaient sur ses tempes et sa chemise trempée collait à sa peau.
Il ne pensait qu’à retrouver la sortie, haletant. Et alors qu’il descendait les marches hors d’haleine, la sonnerie du réveil prit le dessus sur la sirène.
La colère (en focalisation interne)
C’est au volant que j’avais appris la nouvelle. A peine croyable, et pourtant c’était bien ça, pas de doute possible, je les connaissais par cœur tous ces numéros, ça faisait 17 ans que je jouais les mêmes.
Et maintenant je faisais demi-tour, les mains crispées sur le volant, un sourire béat au bord des lèvres et dans les yeux des étoiles, des papillons, des feux d’artifice, que sais-je encore ?
Je débouche à toute blinde dans ma rue et gare plus ou moins ma voiture avant de me ruer vers la porte d’entrée de la maison. Un coup d’œil dans le hall. Oui ! Mon portefeuille est bien là. Je l’ouvre en trépignant, avide de repérer ce petit morceau de papier validé il y a deux jours chez le buraliste. Rien !
L’agitation me joue des tours. Je remets en marche mes dix doigts pour extirper une à une, cartes de fidélité, vitale, bancaire, senior +, lignes d’azur… Les billets de banque volent à leur tour. Le sang me monte à la tête. La suée qui suinte et coule me fait frissonner. Impossible !
Je m’en veux… Et puis une idée ! Peut-être que j’ai glissé le bulletin dans le paquet de cigarettes que j’ai acheté en même temps. Fébrile, je repars vers la voiture. Fouille. Rien !
L’amertume, le désespoir, le découragement se succèdent dans ma tête. Des idées…. Mais non, rien que des tremblements qui s’emparent de moi. Je tente de retracer dans mon cerveau en surchauffe ce que j’ai fait en sortant du bar-tabacs avant-hier… Je jure copieusement… Rien ne me revient… J’ai le souffle coupé par cette injustice flagrante… -pour une fois !!!- mais je continue d’aller et venir dans la maison : la table de la cuisine, la chambre à coucher, la salle de bains… Je m’en veux, je m’en veux… et soudain j’y pense ! La buanderie !
Lorsqu’enfin arrivé en bas des escaliers j’en pousse la porte, le hublot de la machine à laver me laisse visionner mon pantalon sauvagement entortillé dans un flot mousseux…
Tsunami sur la loterie.
Et mon cri dans la buanderie.