LA FANFARE MALICIEUSE

Publié le 11 Mars 2019

Le saxophoniste se réveille. Au loin, la musique de la fanfare résonne. Il se lève brusquement, saisit son saxo et se précipite vers elle. Il est en retard, le défilé a commencé sans lui. Ce n’est qu’après quelques pas que son cerveau se remet à fonctionner, réalise qu’il dormait à même le sol dans la forêt, récapitule. Voyons… il était dans les temps ce matin quand il est parti pour la fête du village. Il a suivi le chemin habituel, traversé le pré, pénétré dans le bois et puis… le trou noir. Impossible de se souvenir pourquoi, comment il s’est retrouvé allongé au pied du grand chêne, tout courbaturé, l’impression d’avoir été battu.

 

Pointe d’angoisse, son cœur rate un battement. Que s’est-il passé pour qu’il s’endorme ainsi alors que ses camarades l’attendaient pour la parade ?

La musique est de plus en plus forte, elle semble venir vers lui. Curieux… ce n’est pas ce qui était prévu ; le circuit de la parade devait passer par les rues du bourg et terminer par une aubade sur la place... Bizarre cet air, lui non plus n’était pas prévu… Une mélodie sombre, loin des envolées joyeuses de la fête. De longs sanglots de lamentos étreignent l’âme ; la forêt pleure, les oiseaux se sont tus. Quelque chose de terrible, enfoui au fond de sa mémoire, cherche à s’échapper… quelque chose de terrifiant, oublié dans l’enfance… La peur le tétanise… c’est là, ça approche... La malédiction de la forêt ! C’est ça, c’est cette vieille légende que lui racontait sa mère, sans doute pour le dissuader de partir seul en explorateur dans les bois. Soulagement... il respire mieux, rit de lui-même et de ses terreurs d’enfant. Se souvient vaguement de l’histoire…

 

Dans la forêt, se cache la fanfare malicieuse. Il ne faut surtout pas la rencontrer sinon la malédiction se réalise. On se sait pas en quoi elle consiste car tous ceux qui ont croisé la fanfare malicieuse ne sont jamais revenus. Il paraît que la musique larmoie avant de devenir sauvage, hargneuse. Les notes rageuses se déchaînent, les trilles mesquines crient. Soudain, la fanfare se matérialise. Les trompettes tempêtent et grondent, féroces. La grosse caisse casse le tempo à grands coups de baguettes qui meurtrissent le dos. Le gros tuba éructe en ut, renverse le monde de son gros souffle fétide. La forêt magique protège son secret par la musique… Démoniaque poésie… Il n’a pas le temps de comprendre le message. Emporté, secoué, il tombe, inconscient, sous le grand chêne.

 

Quand il se réveille, la musique de la fanfare résonne au loin. Il se lève brusquement, saisit son saxo et se précipite vers elle. Il est en retard, le défilé a commencé sans lui...

 

Rédigé par Mado

Publié dans #Lire pour écrire

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