F(i)lou

Publié le 5 Mars 2019

Après ce décembre rude, ce février trop frileux, l’hiver qui semblait sans fin cède enfin la place à la douceur des beaux jours, au ciel lumineux, à l’azur bienfaisant.

La bûche crépite dans l’âtre ; la flamme danse ; sa chaleur m’enveloppe et m’engourdis. Je tente mollement de résister aux assauts léthargiques en feuilletant sans conviction quelque magazine abandonné au salon. Je me sens peu à peu sombrer dans cet état second, mi-conscient, mi-sommeil, dans lequel si souvent surviennent des sursauts avant l’abandon aux songes.

Mais une page m’interpelle, me rappelle à l’éveil : une photo étrange me dérange. La scène pourtant reste banale : au soleil couchant, tableau touchant ton sur ton d’une famille en vacances, peut-être en partance, latence et patience, suspendue dans l’attente. L’embarcation ne saurait tarder pour les mener vers d’autres contrées. Mais ce qui m’interpelle, c’est moins le sujet que la forme : tout y est doux et flou : les tons du ciel et des eaux se mêlent aux silhouettes en un flou indistinct. Pourquoi donc publier une image floue ? Le photographe n’a-t-il pas su mettre au point à bon escient ? A-t-il voulu cet effet, le filou, ou s’agit-il d’un accident ?

La chaleur de l’âtre me fait sombrer à nouveau. Sombrer… La mer grise fait le gros dos, l’orage éclate de rage, purge la douceur, chahute la frêle embarcation qui chavire à sombrer. Panique à bord !

Le magazine échappe de ma main engourdie. En chutant au sol, son froissement frémit à mon ouïe un effet de réveil. Le feu se meurt ; je renais à la vie. Déjà 23 heures ; allons donc au lit.

 

Rédigé par Benoit

Publié dans #Ecrire sur des photos

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