COURIR
Publié le 26 Mars 2019
Il court.
Les yeux fixes, sourcils froncés, buste frêle, ses bras battent l'air comme pour contrer le temps.
Sa chemise se froisse et se colle à sa peau inquiète, la sueur ourle son torse, accompagne la course du sang, les pulsions du cœur.
Il court et s'insurge. Il est jeune. Trop jeune. Ses cheveux flottent, dérivent, se délivrent du catogan comme de chaînes superflues. Ses mains fendent l'air en cadence, la silhouette semble se fondre sur le bitume.
Il court, respire.
S'échapper du flot quotidien. Relever la tête, encore un peu. Sourire peut-être.
Afficher la sérénité de celui qui sait.
Men sana in corpore sano. Oublier la trépidation, courser le temps. Et s'arrêter au bout du rouleau, les mains sur les genoux, suer, les tempes au bord de l'explosion. Masser les rotules avec la pulpe des doigts, secouer la tête, laisser la tignasse trempée goutter sur ses yeux clos. Exhaler, exulter, frémir. Vider les larmes du corps, les tensions accrues. Souffler, sentir les ondes terrestres traverser ses orteils.
Le regard s'allume. L'horizon se rétrécit. Quelques jours plus tôt.
Il est au stade, le gravier grésille sous ses sneakers. Il sourit.
L'arrêt brusque au milieu de la course, le cœur en alerte. Un battement saccadé puis.. la vue qui se trouble. La tête incrédule devant le corps soudain faible. Tant d'efforts.. la défaillance, le vertige. Les muscles saillants malgré tout..
Il lève la tête, lance un juron. L'injustice. Ne pas lâcher prise.
Le marathon en tête. S'il le faut, faire un bout en métro. Y croire. Y croire..
Elle arrive à sa hauteur, lui sourit doucement. Et pousse vers lui le fauteuil.