SILENCE

Publié le 17 Octobre 2018

Aujourd’hui, le silence règne sur la Terre. Non parce qu’il n’y a plus de bruit, non ! Les oiseaux continuent de piailler, les avions de rugir, les divers moyens de transport de vrombir. La vie produit des sons en pagaille mais plus personne ne les entend.

 

Tout a commencé au début du XXIe siècle. A cette époque, les gens prirent l’habitude de se balader en baladeurs, se fermant, ainsi que leurs oreilles, au fracas du monde. Des écouteurs diffusaient en continu, ou presque, des musiques choisies par leurs auditeurs qui se laissaient emporter loin de l’instant présent. Ils traversaient ainsi les lieux et le temps, oublieux de leur environnement immédiat.

Déconnectées de ce monde, isolées dans le leur, focalisées sur les vibrations déversées sur leurs tympans, les oreilles ont entamé leur mutation. Pourquoi ouvrir grand son pavillon si c’est pour ne recueillir que des sons minuscules ? se sont-elles demandé.

Frustrées de ne pouvoir capter brouhaha et murmures, cris et chuchotements, gazouillis et gémissements, rires et pleurs, les oreilles se sont concentrées sur les seuls sons qu’on leur autorisait. Les pavillons ont rétréci, les grandes oreilles en feuilles de chou ont disparu à l’instar de l’homme à la tête de chou (fin XXe). Les lobes, atrophiés, ont entraîné la disparition de ces jolis bijoux anciens appelés boucles d’oreille.

 

Aujourd’hui, plus d’oreilles pour encadrer le visage. Saviez-vous qu’elles servaient aussi à retenir les branches de lunettes posées sur le nez ? Maintenant, les lunettes ont rejoint les boucles d’oreille dans les musées ; les visiogènes au carotène implantés à l’arrière de la cornée permettent une vision parfaite tout au long de la vie. Mais les oreilles, elles, privées des bruits du monde durant des décennies, ne captent plus que les sons électroniques par le truchement de sondes insérées dans ce qui reste de leur conduit auditif. La musique est devenue synthétique car plus personne n’est capable de l’entendre de manière naturelle et par conséquent de la reproduire, voire de la créer. Les algorithmes rythment les partitions que de virtuels orchestres déchiffrent.

 

Aujourd’hui, le silence règne sur la Terre. Et les oiseaux s’envolent, les avions décollent, les moyens de transport roulent… sans un bruit. Les gens déambulent, se croisent, se saluent d’un sourire vague.

Car en perdant l’ouïe, nous avons aussi perdu la parole, alors, si vous voulez nous entendre, lisez-nous...

Rédigé par Mado

Publié dans #Écologie et environnement

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