LE CEP

Publié le 21 Septembre 2018

Il était là, ce cep noueux, caché, entouré d’une végétation débordante, envahissante. Je ne l’avais pas remarqué à première vue, tant occupé à ma randonnée.

Sa présence ici semblait bizarre, au bord de ce chemin où rien ne laissait imaginer une telle découverte.

 

La brise du soir invente sa mélopée qui tantôt se déroule légère comme une rêverie, tantôt s’affirme comme une plainte.

Elle m’apporte des effluves poivrés, éphémères et me permet de découvrir une succession de racines déformées.

Aussitôt je le revois, ce vignoble abandonné.

Une terre caillouteuse, faiblement herbeuse, délimitée par un bois en contre-haut. Une odeur d’abandon s’en dégage, une odeur de sueur aussi à en juger par ces murets en pierre élevés en bord de parcelle. L’homme devait ici imposer sa volonté contre la terre ingrate, l’implacable soleil d’été et les vents dominants l’hiver.

 

Un peu plus bas dans la plaine apparaissent des alignements mécanisés, la netteté de feuillages d’une vigne proprement entretenue dénotant une rentabilité décuplée. Une évidence de nos jours.

Je m’accroupis, écarte les herbes hautes qui en crissant laissent s’envoler un arôme de terre humide.

Les toiles chargés d’insectes oscillent auprès de cette vigne abandonnée, se déchirent et libèrent une exhalaison digne des heures de gloire de ce cru.

D’abord humble, puis persistante la fragrance s’impose, épicée, enjouée. Une odeur d’œillet, de cardamome et réveille en moi le souvenir de repas d’enfance où je n’avais pas le droit de goûter aux breuvages forts autorisés seulement aux adultes.

Je me contentais de humer les flacons aux contenus sombres ou lumineux.

Les yeux fermés je m’imprimais de ces vagues successives. Des arômes de fruits rouges comme la groseille ou boisés comme un Sauternes, qui roulaient jusqu’au fond de mon âme. Embaumaient ma mémoire, se mélangeaient aux rires des invités et déclenchaient un vertige entêtant dont je me rappelle encore.

 

Mon père me surveillait discrètement. Nos regards se sont croisés.

-Plus tard, me disait-il, plus tard !

Rédigé par Gérald

Publié dans #Écologie et environnement

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