Pourquoi ?
Publié le 6 Juin 2018
Une balle de golf heurta la voiture. Lucie, assise du côté de l’impact, poussa un cri strident et devint toute pâle. L’impact est bien visible, mais la vitre ne s’est pas cassée. Le père ne s’était pas arrêté, ne sachant pas ce que ça signifiait, si c’était un acte volontaire qui sera suivi d’autres projectiles ou si c’était l’accident causé par un joueur débutant maladroit qui s’entraînait dans cette contrée isolée, vide, sans relief, couverte de prés à perte de vue sur lesquels des vaches paissaient pendant la belle saison. Maintenant, fin novembre, il faisait frais, les vaches étant restées dans leurs étables, les prés pouvaient servir de terrain de jeu à des personnes plus ou moins mal intentionnées, peut-être jalouses de la belle voiture qui filait à toute allure.
Arrivé au village le plus proche, le père s’arrête, prend sa fille dans ses bras, voulant la consoler. Mais sa fille reste étrangement distante, très calme, le visage grave, fermé, demandant à son père qui avait fait ça. Il parle à sa fille d’un accident malheureux et très rare et de l’incompétence du joueur de golf. Il l’amène manger une glace sur la place du village, sa glace préférée, aux pistaches et au chocolat avec plein de crème chantilly dessus. Lucie n’y touche presque pas, restant silencieuse tandis que son père cherche à l’égayer, à lui changer les idées, à répéter encore qu’elle ne risquait plus rien.
Il fallait reprendre la route pour Deauville où son épouse, la mère de Lucie, les attend. Il demande à sa fille si elle ne préférerait pas s’installer sur la banquette arrière, s’allongeant peut-être pour dormir un peu. Ainsi, le temps passera plus vite, lui dit-il. Elle secoue la tête, non, elle veut reprendre sa place. Depuis, toute pâle, elle fixe avec son œil gauche l’impact de la balle, insensible au paysage qui défile, composé de prés et de petits bosquets dont la multitude de verts est de plus en plus atténuée par un brouillard enveloppant tout.