VOYAGE 5

Publié le 17 Avril 2018

Le voyageur voit ce qu'il voit, le touriste voit ce qu'il est venu voir.

(G. Chesterton)

 

 

Tu ne vois rien que tu ne connaisses déjà.

Ou plutôt tu ignores ce que ton œil n’intègre pas à ta mémoire. Une mémoire flash qui vacille et s'enflamme, traîne le long des quais, soulève la reliure déconfite des bouquins amassés comme en classe, flâne et s’échoue au bord d'une péniche rutilante.. le nez en alerte.

 

Tu ne vois que ce que tu sens. L'odeur du métro, fade et désuète, au moins dans ta tête. Tu la rejettes comme tous tes souvenirs... évacuer sans conter.

Tu as fui la guerre, les tranchées, les gibets, puis les églises, les dolmens, les stèles en tout genre.Tu fuis tout ce qui porte un nom, ce qu'on peut classer, ranger, numéroter. Ton ombre aussi.

 

Ici tout est nouveau. Jamais arpenté ces champs monochromes, ces abris de pierre sèche, ces Moulins désaffectés qui brassent le vent et te tendent leurs ailes.

Tu te frottes les yeux d'un air las.

Au loin, comme un village de parapluies, sans l’ondée. Elles arrivent à pas lents, menées par un pépin fermé. Impossible de les ignorer, elles viennent vers toi en masse compacte, visage voilé contre une invisible pollution.

Un mirage vaporeux de silhouettes élancées, au sillage parfumé. Tu en es bouche bée. Jamais pensé croiser des touristes dans ce village perdu, un village choisi par hasard sur la carte du monde.

Tu es venu trouver du blé, le vrai, celui du pain cuit dans un four.

Elles, sont en quête du frisson de l'inconnu. Tu distingues leurs traits, leur peau si pâle qu'on aurait peur de la toucher. L’ orient en désarroi, tombé d'un car obtus, appareil photo en bandoulière…

Ton empreinte qui s'agite, le rêve qui s'effrite. Fuir encore. Les hommes, les femmes, les reliefs trop fertiles. Une Borie pour éphémère refuge.

Rédigé par Nadine

Publié dans #Voyage

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