NOCES BLANCHES SUR NOTES NOIRES

Publié le 8 Janvier 2018

 

Te souviens-tu, Jean-Michel, de toutes ces musiques qui ont accompagné nos moments de joie ?

Te souviens-tu, Jean-Michel, le jour de notre mariage quand, dans cette église, retentit la cérémonieuse Marche nuptiale de Mendelssohn ? La forêt du Songe d’une nuit d’été entrait dans la petite chapelle. Des trompettes s’échappait l’air humide des profondeurs de la terre. Tu me regardais à l’autre bout de la nef tandis que, encouragée par les archets énergiques des violons, j’avançais sur ton chemin pour réunir nos deux destins. Tremblante comme les pierres de l’édifice face à la puissance des staccatos, je te fixais avec joie. Le temps était suspendu. Mais quand le grave Wagner résonna depuis l’orgue, le doute traversa nos regards : Allions-nous tenir cette alliance jusqu’à notre mort ?

Au fur et à mesure de l’après-midi, l’ambiance s’allégea. La joie s’exprima au travers de sonorités plus sauvages. Sous le tympan de l’église, la pluie aiguë de riz s’immisça dans nos chapeaux, nos décolletés et nos rires. Puis les Vuvuzelas sonnèrent avec fracas, brisant l’ambiance religieuse. Le bouquet final restait à venir avec le concert de klaxons fortissimo de notre parcours niçois qui sema dans la ville une cacophonie assourdissante. Hébétés par tant de liesse, main dans la main, nous laissions le bonheur éclater, heureux de le faire entendre au monde entier.

Après ce vacarme, le calme réapparut avec le tintement élégant et discret des coupes de champagne dans cette belle villa d’inspiration italienne où les bulles s’évertuaient à croître l’effervescence de la réception dont nous étions les roi et reine. Plus tard dans la soirée, la danse s’annonça avec Strauss et mon père me fit valser, valser et encore valser. Impérialement. Majestueusement. Puis il me confia à tes bras dès que les premiers accords du rockabilly traversèrent les baffles de la sono. Passes bras dessous bras dessus, sur le côté ou même derrière, nous tournoyions dans le sens de la vie sous les boums boums de la batterie et les ouins ouins des guitares électriques.

Nos visages colorés tantôt de rouge, tantôt de bleu par les projecteurs ont compliqué la tâche du photographe, qui n’a pas manqué de shooter ma jarretière dévoilée au détour d’une acrobatie dont tu maîtrisais la technique. Enfin, le point d’orgue de cette agitation, fût la musique Lounge du CD Première nuit d’amour des Mariés que ta sœur nous avait concocté.

Des années après, au zénith de notre vie de couple, les musiques lancées à plein tube pendant les fêtes organisées avec nos amis et nos enfants, tourbillonnaient dans la maison conviviale de mes rêves.

La maison conviviale de mes rêves, le mariage de mes rêves, la vie sociale et sentimentale de mes rêves. Tout cela fait beaucoup de rêves, Jean-Michel, tu ne trouves pas ? En vérité, nous ne sommes pas allés au-delà de l’amitié. Tu as choisi une autre option que celle de continuer à répondre à mon sourire. Celle de te donner la mort, muselé dans le murmure incessant des notes noires de tes tourments. Aujourd’hui, il n’a rien que du silence autour de ton nom, autour de la douce mélodie que la prononciation de ton nom offre à l’Univers.

La musique est au-delà des mots, atteindrait-elle aussi les morts ? Démunie face à ton cercueil fade et lisse qui rejoindra la chaleur des flammes puisque tu as refusé la chaleur de mon cœur, j’écoute l’Ave Maria de Gounod chanté par Maria Callas pour adoucir cet instant suspendu où je veux croire qu’il reste encore un peu de toi sur cette terre.

Rédigé par Marie

Publié dans #Musique et Danse

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