LA BAGUETTE
Publié le 19 Décembre 2017

Je n'aurais jamais cru, un jour me retrouver là, dans les mains de cet homme. Je suis devenue sa chose ; un jour d'été, il est rentré dans le magasin de la rue Lépante et entre nous ce fut le coup de foudre. Il me prit tendrement entre ses mains, me soupesa, me manipula et enfin je l'entendis dire au marchand :
– Je la prends.
A partir de ce jour, je fus choyée comme un objet précieux déposé dans un écrin de velours rouge.
Quand je pense à ma famille, je suis fière de ma situation. Je n'oublie pas mes origines modestes et souvent je pense à mes parents et à mes frères et sœurs. Mon père et ma mère étaient fonctionnaires et tous les matins entre les mains du garde champêtre, ils roulaient pour annoncer les nouvelles. Mon frère fit une carrière dans l'armée, il fut même adjoint d'un officier supérieur. Quand à ma petite sœur, elle préféra rester au pays et travailla pour la Compagnie des Eaux.
C'est pour cela que les soirs, en habit de gala, je suis fière d'accompagner mon maître à l'opéra. C'est lui qui dirige l'orchestre et je peux dire que sans moi... Non ! Je plaisante, je ne suis que le prolongement de son bras.
J'ai écrit la généalogie de ma famille, elle remonte au temps jadis des contes de fée. Dans la famille Baguette, on trouve Magique qui a connu l'enchanteur Merlin, Tambour dont plusieurs membres portèrent ce nom sous Napoléon et sans oublier mes parents sourcier ! Ma sœur à qui on attribue des pouvoirs magiques, est-ce génétique ? Aujourd'hui mes cousins font parler d'eux dans le monde de la boulangerie, baguette, baguette.
Et moi je transmets à mes enfants ; tant qu'il y aura des orchestres symphoniques, nous serons là pour donner le tempo.
Assez parlé de moi et de ma famille, je retourne dans mon écrin, le rideau vient de tomber. Il est temps de rentrer.
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