L’être docile
Publié le 28 Décembre 2016
Je leur avais bien dit que montrer son cul à tout le monde provoquerait des commentaires à n’en plus finir. « Ouah regarde ce cul comme il est beau ! » Normalement les culs sont tous cachés, enveloppés, emmaillotés dans une culotte ou un slip, le tout recouvert d’une jupe, d’un pantalon ou même d’une robe. Alors pourquoi moi, je me trimballe le cul à l’air ? Non mais franchement : c’est indécent à la fin ! Et bien je vais vous le dire : parce que je suis docile ! C’est la vérité, je ne fais jamais de vagues et ne dis jamais rien pour m’opposer aux autres qui savent mieux que moi ce qui est bon pour moi. En l’occurrence c’est mon père qui m’a conseillé de me comporter comme cela. Voilà mon tort ! Je le paie cher, vous ne croyez pas ? Mais c’est ainsi. Je ne suis pas un homme libre.
Combien de femmes et surtout de vieilles s’exclament, portent mes fesses aux nues, m’avouent même qu’elles me les malaxeraient bien. J’ai envie de leur crier « cachez ce sexe que je ne saurais voir ». Forcément il faut que ça tombe sur moi. Ce n’est pas mes congénères, en face de moi qui pourraient entendre leurs désirs. Ils sont trop haut perchés ! Eux aussi sont trop dociles. Ca me rassure de ne pas être tout seul. Les jours où je suis rebelle, je cherche d’un regard ce que je pourrais voler pour cacher mes deux faces de pêche. Malheureusement je suis ainsi fait. Que ne rêve-je pas d’un kilt ou même d’un slip en bonbons pour cacher ceux de devant !
D’un côté c’est bien je prends l’air mais aussi malheureusement des coups de soleil l’été et des coups de froid l’hiver. Ca fait un mal un chien ! Si vous ne me croyez pas, vous n’avez qu’à essayer !
« Oh regarde, il est là ! Qu’est ce qu’il est beau ! » Enfin je peux l’admirer, regarde les beaux muscles de son dos. Oh et puis là, regarde !!!! c’est qu’il est bien constitué dis donc ! »
« Tu le regardes comme si c’était la première fois, alors que je t’ai déjà envoyé sa carte postale la dernière fois ! »
Et voilà. C’est toujours pareil…. A Nice, tout le monde me connaît. Alors je parle. Je parle encore. Mais personne ne m’écoute jamais. Et pourtant, j’en ai vu dans ma vie. J’en ai des choses à raconter. Des leçons à donner. Ca fait des années qu’on m’a posé là, à contempler la ville. Quel ennui. Moi qui rêve de voir la mer. Les ans n’altèrent pas mon corps de pierre. Ici, on m’appelle l’Apollon.
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