UN VILLAGE À LA MODE
Publié le 14 Juillet 2017
Les paparazzi se pressent sur la plage de Nice. Brigitte Bardot pose dans son bikini en vichy rose. Depuis qu’elle est devenue célèbre, une meute des journalistes la suit à la trace. Malheureusement pour nous, elle adore notre village. Il est vrai que Nice, blotti derrière ses remparts, sous le vieux château comtal, inspire douceur de vivre et sérénité. Dans les rues médiévales fraîches et colorées, hautes maisons, églises, palais baroques, veillent sur le passant ; la citadelle a traversé les siècles, résistant à tous les sièges… sauf à celui des stars et des photographes !
Pourtant, elle a bien failli être détruite par Louis XIV en 1706. L’un des rares combat où Nice a capitulé. Louis XIV avait ordonné au duc de Berwick de démolir les fortifications et le château. Mais le duc a désobéi. La place forte est trop belle. Il a préféré trahir le roi, se mettre au service des États de Savoie et sauver la citadelle. Tant mieux ! Allez savoir ce qu’il serait advenu du village si Nice avait perdu ses remparts ! Une grande ville peut-être… ?
Sur la plage, l’attroupement vocifère. Ça se bouscule, ça crie… Brigitte, Brigitte… par ici… non plus à gauche… une main sur la hanche... Nice est en train de devenir le lieu à la mode. Dans le petit port, les pointus disparaissent derrière les hors-bords, la jetée Saint-Lambert s’est transformée en plongeoir, le bistrot du quai s’agrandit, s’éclaire de néons, tout le show-biz s’y retrouve.
La plaine, de l’autre côté du Paillon, se couvre peu à peu de campings plus ou moins arborés et sur les collines autour du village, d’immenses villas grignotent les terres agricoles. Oliviers, citronniers et orangers sont abattus, les vignes arrachées, les forêts de chênes verts, décimées. Certaines de ces arrogantes bâtisses ont même une piste d’atterrissage pour hélicoptère. Le milliardaire évite ainsi les embouteillages qui se forment depuis quelques temps sur la route de France qui longe la baie. Mais à quel prix ! Le vacarme des moteurs en tout genre a remplacé les brouhahas tranquilles de la vie. Même les commérages des matrones, lancés de fenêtre à fenêtre au-dessus de la rue, se perdent dans la trépidation actuelle.
La séance de photos se termine. BB se rhabille, enfile ses ballerines, se dirige vers la porte de la Marine, disparaît derrière le rempart. Les journalistes suivent. Nice perd son âme et son peuple. La pression fiscale augmente de plus en plus, les Niçois sont obligés de partir.
Ah ! Si BB avait choisi un autre endroit pour passer ses vacances ! On serait bien peinards ! On regrette un peu le bon vieux temps, comme on dit ; on se console en écoutant la drôle d’histoire qui se murmure dans les ruelles : il paraît que dans un autre monde, c’est un petit village du Var, Saint-Tropez, qui a connu ce destin. C’est fou, non ?