LA FANFARE JOUE LA MARSEILLAISE
Publié le 4 Novembre 2016
Le soleil brille en ce jour du 11 novembre 1919, la fanfare venue de Menton joue la Marseillaise, nous sommes là au garde à vous. Les boutons de nos uniformes brillent, ici il n’y a pas de boue. Nous sommes les récipiendaires de je ne sais pas quoi... et pourquoi nous ? Le Maire fait son discours, et déjà ma pensée s’en est allée du côté de Verdun, cette ville de l’est que je ne connaissais pas.
Gorbio s’enfonce dans un brouillard, j’entends des cris, des râles français, allemands. Je ne sais plus où je suis. Il faut que j’avance, c’est l’adjudant qui le crie. Je vois à côté de moi des amis qui tombent. Je ne peux m’arrêter pour leur tendre la main. Les balles de mitrailleuse sifflent et frappent au hasard. La baïonnette, au bout de mon fusil, me rappelle qu’ici, on crève ou on vit. Dans un trou d’obus, près d’une tranchée ennemie, je retrouve ma compagnie, enfin ce qui l’en reste. Un jeune sous-officier nous rassemble.
Je suis à Gorbio, le Maire parle de mes amis d’enfance, eux qui sont restés couchés sur cette terre lointaine, leur nom sera gravé à jamais sur cette pierre.
Cette pierre, qui me rentre dans le dos, dans ce trou d’obus où le silence vient troubler le bruit. Plus personne n’ose parler. C’est à peine si l'on ose respirer. Le sous-officier, nous annonce que nous sommes au lieu dit « Mort d’homme ». Personne n’a envie d’en rire, la vie est étouffée par le râle des mourants. Nous ne sommes plus qu’une poignée, la lune éclaire notre tranchée quand soudain un cri :
« In die Hände schnell stellen Sie ihre Waffen ».
Pas besoin de traducteur, nous sommes pris au piège, d’hommes libres, nous devenons «Kriegsgefangener » prisonnier de guerre, mais en vie.
La fanfare joue la Marseillaise quand le Maire vient m’épingler la médaille sur laquelle est gravé « On ne passera pas ». J’ai fermé les yeux, en souvenir de mes camarades épinglés sur les fils de fer barbelé.
« On ne passera pas ». Alors pourquoi, moi, je suis passé... ?