POURQUOI ROME ?

Publié le 2 Septembre 2016

Sport toujours et nouvelle...

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La foule se presse dans les tribunes pour la compétition d'athlétisme. Les coureurs du mille cinq cent mètres entament leur dernier tour. Au centre du stade, les perchistes se préparent. Le premier s'élance, plante la perche, s'élève, franchit la barre et... disparaît, avalé par un courant d'air. Seule la perche retombe sur le matelas. Un cri porté par mille voix fuse, suivi d'un silence immobile. Incompréhension, désarroi dans le stade. On visionne les images prises par les caméras : le jeune homme s'efface instantanément au sommet de son saut. Les pompiers interviennent. On envoie l'un deux, solidement arrimé à son échelle, explorer ce lieu où il n'y a rien que de l'air. Il ne trouve rien que de l'air. Pas de vortex mal intentionné aspirant les pauvres humains, pas d'extraterrestres malveillants, pas d'organismes microscopiques ou invisibles habités d'un appétit d'ogre, pas la plus petite trace de l'athlète déchiqueté ou non, ni un morceau de son short rouge, ni le son de sa voix, ni une main qui se tend, ni un cheveu arraché, nada, que dalle, rien !

Pendant ce temps, ou plutôt, de l'autre côté du temps, notre infortuné perchiste atterrit sans ménagement au milieu d'une arène romaine, figeant les gladiateurs dans leur combat, les lions dans leurs rugissements, Jules César dans la rotation de son pouce. Stupéfaction de courte durée. Ici les dieux sont si fantasques ! L'un d'eux aura voulu envoyer un messager au grand Jules... Le jeune homme est amené devant l’empereur courroucé :

  • Qui es-tu ? D'où viens-tu, étranger ?

Gros regret de ne pas avoir été plus assidu au cours de latin du collège ! Quelques mots, mimes, mimiques plus tard, le sportif parvient à expliquer sa situation à Jules.

Un envoyé des Dieux ? Hum... Hypothèse vite abandonnée à la vue de la croix en or qui brille sur la poitrine du jeune homme.

  • Un chrétien ! Mes lions s'impatientent... Si tu es chrétien, tu

    iras dans l'arène avec mes fauves affamés. Ton Dieu tout puissant saura bien te sauver... Si tu renies ton Christ, donne-moi cette croix. Je te donnerai une perche et tu pourras sauter par-dessus les lions. Tu te sauveras toi-même.

Bijou-souvenir de son baptême le 2 janvier 1995, cadeau que sa marraine a attaché autour de son cou de bébé ce jour-là, son porte-bonheur depuis. Il ne l'a jamais quitté. C'est un crève-cœur de s'en séparer, mais il n'a pas vraiment le choix. Une perche vaut mieux que rien du tout devant ces bêtes antiques beaucoup plus terrifiantes que celles d'aujourd'hui. Faut dire que les seuls lions qu'il a croisés sont ceux du zoo, apathiques et bien nourris. Presque des matous...

La lance d'un garde est réquisitionnée, le perchiste envoyé dans l'arène. Les fauves sont lâchés. Ils se précipitent vers leur festin en short rouge, appétissant comme un steak saignant. Le jeune homme prend son élan, plante la pointe de la lance dans le sol, se propulse par-dessus les lions, la foule, les murs, le vent, les nuages pour tomber comme une pierre aux pieds du pompier sondeur d'invisible, ébahi. Le matelas amortit sa chute vertigineuse. Dominant la clameur de la foule, une voix retentit :

  • 7 heures et 1 minute. C'est l'heure du journal.

Un jour blanc filtre à travers les persiennes. Notre héros émerge de sa nuit, éberlué. Il s'étire, baille, se lève, prépare un café. La radio déverse son flot de nouvelles. On parle de la compétition d'athlétisme qui aura lieu demain ; sa première compétition de perchiste. Pas étonnant qu'il en rêve la nuit. Quelle histoire loufoque ! S'il raconte cette anecdote aux copains, c'est sûr, il héritera du surnom “ Jules ”.

Le café coule, son arôme réveille les papilles. À la radio, les informations défilent : un projet de loi pour la transition énergétique vient concrétiser l’engagement du Gouvernement ; un camion s'est renversé sur l’autoroute, heureusement sans faire de blessés ; une découverte étrange lors de nouvelles fouilles du Colisée, à Rome : une croix en or de facture contemporaine mise à jour dans les couches géologiques correspondant à l'Antiquité. D'autant plus étrange que si l'état du bijou plaide pour un séjour de 2000 ans dans la terre romaine, une inscription minuscule au dos de la croix met en ébullition les cerveaux de tous les chercheurs. Une date est gravée : 2 janvier 1995.

Site pollué par un génial faussaire ? Impossible. La terre, à cet endroit, n'a pas été remuée depuis des siècles. Voyage dans le temps comme dans “ Retour vers le futur ” ? Impossible également en l'état actuel de nos connaissances ? Le mystère demeure...

Le café refroidit dans la tasse du jeune homme statufié dans une seule question :

  • Pourquoi Rome, pourquoi pas Olympie ?

Extraordinaire, non ? Je lui offre un aller-retour temporel et une seule chose l'interpelle : le lieu de sa chute. Ni le pourquoi, ni le comment, ni le quand, ni même qui il est, mais juste où. Je sais ce qui le chagrine. Il aurait pu devenir un mythe sur ce lieu fondateur d'Olympie, inscrire son nom aux prémices de l'histoire sportive, si je l'avais décidé.

Amour du sport ou de la gloire ?

Je sens qu'il m'en veut ; sa frustration me touche. Je me dois de l'éclairer.

  • Pourquoi Rome ? C'est juste un vagabondage de l'imagination, rien de plus, cher personnage sans nom. Il arrive que les destinées de papier prennent des chemins imprévisibles, échappant ainsi à la plume de leur créateur.

Rédigé par Carmella

Publié dans #sport

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