LA VOYELLE ENDORMIE

Publié le 12 Novembre 2020

Je m’étais endormie sous la protection d’une couverture. Les morsures du froid ne pouvaient m’atteindre et pourtant sur la page blanche de ma nuit, les mots dont je faisais partie ne retrouvaient pas le chemin de l’écrit. A chaque fois que la plume s’approchait pour écrire, la gomme était là pour effacer la suite de mon roman. Mes phrases ne pouvaient atteindre le bas de la feuille. Elles disparaissaient entre les interlignes, parfois elles s’accrochaient désespérément sur le bord de la marge, mais comme une encre sympathique, elles disparaissaient. La gomme s’associa avec un certain  « Blanco » tueur de mots et des ratures. Alors un vent de panique me saisit. Je me mis à courir en poussant les consonnes sur mon passage, lorsque je trébuchais sur une cédille oubliée terminant ma course sur un pâté bleuâtre, reste d’une faute mal corrigée. J’en devins muet. Je restais là sans pouvoir bouger au milieu de ce cahier. Qu’allait-il m’arriver ? Était-ce la fin de l’écriture de mon monde fait de pleins et de déliés ? Devenir illisible était-ce là mon devenir, moi qui rêvais d’être une majuscule à la tête d’un chapitre d’un roman obtenant un prix. Me voilà, face à cette horde qui veut me supprimer, me rayer de la surface blanche du papier. Autour de moi, des restes de phrases, de mots, des consonnes et des voyelles à peine estompées. Je ne sais si c’est la présence de ce h, mais je fus aspiré dans un tourbillon de lumière, d’un rayon de soleil qui venait de se lever, éclairant la chambre où je dormais. Je n’étais plus une voyelle, j’étais moi.

Le cauchemar s’estompa comme la lune dans le matin blafard en me laissant tout au fond de moi, l’assurance que jamais je ne me laisserai effacer devant quelqu’un sans me battre.


 

Rédigé par Bernard

Publié dans #Rêves

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