LA MIGRATION

Publié le 3 Octobre 2018

Je plane… Le vent d’altitude me porte… L’air siffle à mes oreilles.

Nous glissons au travers d’un échafaudage de coton sur fond de ciel d’azur. Je ferme les yeux.

Le vol en escadrille des cigognes a fait ses preuves. La route est toute tracée pour notre migration. Après le désert de Mauritanie, cette petite rivière et ses marais d’Andalousie nous font rêver. C’est loin, mais nous allons y arriver à notre petit paradis.

L’humidité me frôle. Je sais que nous sommes au dessus de la Méditerranée avec ses vagues couronnées de blanc. Elles ondulent, s’étirent et caressent la côte d’Espagne.

Les plages sont encore vierges en ce mois de mai. Seuls quelques oiseaux de mer flottent face au vent, ailes déployées, plumage ébouriffé. Un plongeon brusque lorsqu’une forme sombre s’approche de la surface, voilà leur activité.

La chaleur revient. Je sais que nous sommes au dessus des oliviers en fleurs, alignés, très peu bousculés par le vent. Villages blancs accrochés au bord de falaises, palmiers, montagnes bleues sur l’horizon. Au-delà, les domaines regorgent de taches de couleur, bleues, rouges, les blés sont hauts et ondulent. Les hommes sont prêts pour la récolte.

C’est ici que nous avons rendez-vous depuis toujours. C’est ici que se situe notre petit paradis, parmi ces champs que je reconnaîtrai entre tous. Une paysanne nous attend moi et mes copines au bord de cette petite rivière...

Fidèle, bienveillante, elle a préparé de quoi nous retaper : des écrevisses, de l’eau. Elle nous soigne si bien, nous parle à voix basse, on aime fort cet accueil.

Le GPS n'est d’aucune utilité. Je sais que nous y sommes. J’ouvre les yeux.

 

Une immense décharge apparaît. Une fumée âcre nous prend à la gorge. Des norias de camions débordant de déchets, soulèvent une poussière piquetée de mouettes et goélands affamés. Plus loin buses et rapaces nous guettent.

La petite rivière si fragile se découvre avec une eau saumâtre parsemée de mousse. Les marais ont disparu. Des énormes citernes précédées de tracteurs déversent un liquide jaunâtre en périphérie de cet immense bas-fond.

Quelle tristesse. Mais est-ce qu’ils savent ce qu’ils font, en bas ?

 

Le chef d’escadrille bifurque. Claquètement réprobateurs unanimes. L’ensemble du vol en V suit d’un seul mouvement d’ailes. Notre amie au sol a disparu.

Spoliée ? Dépossédée ? Expropriée ?

Je ressens quelque chose d’humide au coin de chaque œil.

Tiens ! Ça pleure une cigogne ?

Rédigé par Gérald

Publié dans #Écologie et environnement

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