VIEILLE AU VIOLON

Publié le 27 Décembre 2017

VIEILLE AU VIOLON

Une vieille dame au violoncelle qui rappelle une vieille dame au violon...

***

Elle s'assoit discrètement au fond de la salle.

Son dos est voûté, ses yeux vifs, ses mains rougies par le froid ..

Elle tremble encore un peu en posant ses affaires, sous l'accoudoir du fauteuil de velours rouge.

L'orchestre finit de s'accorder, le silence se fait, la salle sombre dans l'obscurité.

Elle scrute lentement les silhouettes, collées à leur instrument, surtout les cordes, sur le devant de la scène. Le chef d'orchestre s'avance sous les acclamations, tourne le dos au public, puis lève les mains en un geste à la fois tendre et résolu.

Si longtemps qu'elle attend ce moment... Concerto à la mémoire d'un ange, pour violon et orchestre, composé au début du 20e siècle par Alban Berg. Un hommage appuyé à Mahler, et surtout à sa femme.. un requiem instrumental emprunt de nostalgie.

Elle laisse ses doigts effleurer les cordes de son rêve. Elle joue, le violon calé sous sa joue gauche… L'archet glisse en silence, égrène sa mémoire.

Sur scène, le violon solo semble emporté dans le même sillage, au gré des ondulations d'une robe de soirée vert émeraude.

Anna s'est endormie.

Elle est une enfant, un peu timide... Sa mère l'inscrit au Conservatoire en classe de violoncelle, puis de violon. Elle se révèle une élève douée, et se prend d'affection pour cet objet lisse, luisant, vibrant au gré des émotions. Il sera son ami.

Pendant plusieurs années Anna vivra la célébrité, avant de connaître l'oubli, comme par inadvertance, en lien peut-être avec une santé déclinante.. une scoliose qui s'installe.

Anna s'éveille.

Applaudissements. Le concert se termine, la salle surchauffée se lève pour une standing ovation.

Elle s'extirpe péniblement du fauteuil. Il est tard, un peu trop sans doute pour aller travailler. Elle prend tendrement l'étui dans ses bras, jette un œil sur la salle exaltée.

Son voisin la suit du regard, intrigué.. Il la connaît, cette vieille femme bossue qu'il écoute parfois jouer dans la rue piétonne, les doigts déformés, le dos plié comme sous le poids des souvenirs..

Elle sort à pas lents, dignement, sans se retourner.

 

***

Rédigé par Nadine

Publié dans #Musique et Danse, #Ecrire sur des photos

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