UNION REDOUTABLE

Publié le 25 Mars 2017

Tu es vraiment le plus fort. Le plus habile. Adulé, chéri par tout un peuple, qui apprécie ton élégance, tu déclenches l’enthousiasme admiratif à chacune de tes apparitions. Oui, je sais ! Certains sont d’un avis contraire, mais les entend-on ? Sont-ils représentatifs de l’âme de ce peuple fier ? De cette tradition qui remonte à la nuit des temps ?

Ton talent à te sortir des passes les plus difficiles, libère les passions, étouffe tes opposants qui finissent par dire : oui le talent, certes, mais pourquoi toujours une fin tragique pour le perdant ?

Demain pour cette belle étrangère qui t’a séduit, tu vas te surpasser, l’éblouir.

Attention, t’ont prévenu tes picadors, cet Islero de l’élevage Miura est vicieux. Il a une âme de prédateur. C’est un fauve à l’état brut ! Toi tu es resté de marbre. Des fauves, tu en as combattu combien ? Cent ? deux-cent ? Trois-cent ? Tu as toujours l’œil aiguisé qui anticipe la trajectoire, qui ôte ton corps offert à un fauve sûr de lui et berné à la dernière seconde. Tes esquives déclenchent l’émeute dans les gradins. Il peut s’enrouler autour de toi, te renifler, te chercher, tes Tercios, Véronique, Faenas ont toujours autorité sur sa force brutale. La bête s’arrête alors langue pendante, tête baissée, souffle court. Mais comment ? Il est toujours là celui-là ?

Toi, tu lui tournes le dos. Ta démarche ondulante, ta cape sous le bras soulève les foules. Les Aficionados se déchaînent. Les humbles te jettent leurs casquettes, les belles une fleur. Le spectacle peut continuer, ainsi en a décidé le maître des lieux. Tu dois aller jusqu'à l’affrontement décisif. Tu sais cela, tu attends cela ! La foule retient son souffle. Le risque pour toi est si mince. On connaît ta bravoure. Tu possède tellement bien ton métier. Le fauve attend, tête toujours basse. Tu te retournes brusquement. Tu lui fais face. Tu dégage ton épée cachée dans un pli de ta cape. Tu fonces. Les mouchoirs blancs sont sortis des poches pour te saluer plus tard, comme une forêt de jasmins. Les applaudissements sont retenus, suspendus à ton action. La bête immobile soulève brusquement sa tête. Sa corne te transperce la jambe, la fémorale est touchée. Tu t’effondres. Islero s’éloigne titubant sous une envolée de capes multicolores. L’épée tremble dans son flanc. Contre la barrière en bois du Callejon, le taureau tombe à genoux. Une immense clameur de tout un peuple triste s’élève des arènes, franchit les gradins et s’envole au loin vers les quartiers populaires. La belle étrangère est déçue. Elle serre la tige de sa rose rouge jusqu’au sang. Nous sommes en Andalousie, à Linarès pour la corrida de l’été. Le torero est mort …

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Rédigé par Gérald

Publié dans #Les animaux

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